Friday, September 14, 2012
Environnement - Ce que le nouveau gouvernement de Mme Marois peut faire dès maintenant!
"Le sentier réglementaire
Texte de Louis-Gilles Francoeur publié dans Le Devoir d'aujourd'hui. Lien: http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/359172/le-sentier-reglementaire
Plusieurs ont prétendu depuis la récente élection que le gouvernement Marois, minoritaire s’il en est, ne pourrait gouverner et amorcer l’essentiel des réformes promises. Dans certains cas c’est vrai, mais quand on y regarde de près, ce gouvernement bénéficie d’une énorme marge de manoeuvre sur le plan réglementaire qui lui permet d’amorcer des changements profonds sans les négocier avec l’opposition.
Le cas est particulièrement évident en environnement et du côté de la faune, où des besoins s’accumulent depuis des décennies, que Québec pourrait combler en faisant preuve de vision et de réflexion stratégique en utilisant sa marge de manoeuvre réglementaire.
D’entrée de jeu, la première ministre peut régler un des problèmes les plus fondamentaux qui affecte la gestion environnementale au Québec en refusionnant la gestion de la faune avec celle de l’environnement.
Sur cette mesure, et sur cette unique mesure, on saura si le nouveau gouvernement fait preuve de vision ou pas en environnement.
La véritable séquestration qu’ont subie les services fauniques en étant placés dans un ministère à vocation économique comme les Ressources naturelles, leur plus vieil adversaire historique, a permis aux missions économiques de ce ministère de diriger une bonne partie des coupes budgétaires du côté de la faune, dont les services sont devenus faméliques. Mais pire, ce mariage imposé par une école de pensée mercantiliste a placé les politiques fauniques sous le signe de l’économie et du corporatisme et non plus, en priorité, vers la conservation. Cette approche mercantiliste et utilitarisme était justement ce que reprochait aux Ressources naturelles en 1972 la commission Legendre sur la gestion de l’eau, ce qui avait conduit à la création du ministère de l’Environnement pour qu’enfin la gestion de cette ressource soit placée d’abord sous le signe de la conservation et de la prévention, ce qui n’exclut pas son exploitation rationnelle. Dans ce domaine, le Parti québécois peut revenir aux sources du premier gouvernement de René Lévesque, qui a créé le ministère de l’Environnement et « déclubé » la gestion de la faune, alors dominée par des intérêts privés. C’est le temps d’amorcer un retour du balancier vers l’intérêt général.
Dans un ministère de l’Environnement qui reviendrait à une gestion intégrée (c.-à-d. avec la faune) des écosystèmes, que la loi lui confie, nul besoin de demander aux partis d’opposition quelque permission pour amorcer via un Bureau d’audiences publiques renouvelé l’ébauche d’une politique de protection de la biodiversité, que le gouvernement pourrait traduire en balises réglementaires par la suite, sans passer par l’Assemblée nationale. Autant la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) que la Loi sur la conservation de la faune permettent en effet de protéger par règlement les milieux humides, de muscler notre protection théorique des rives, de protéger les espèces menacées et la faune en général, autant sur les terres privées que publiques, et d’encadrer les interventions des municipalités dans les petits cours d’eau, pour l’instant coincés dans le statut honteux et archaïque de fossés agricoles ou municipaux.
Le nouveau gouvernement n’a nul besoin, non plus, d’aller devant l’Assemblée nationale pour doter le Québec d’un premier règlement de base sur les rejets de produits toxiques dans les cours d’eau pour cesser enfin, comme dans un régime colonial, d’autoriser les nouveaux projets, au cas par cas, et même en tenant compte de la capacité de payer du promoteur et de la capacité de dilution du cours d’eau : comme si toute pollution qu’on ne voit pas en raison d’un fort débit ne finissait pas quelque part. Ces inepties environnementales, qui perdurent en plein xxie siècle, il serait peut-être temps d’y mettre fin, d’autant plus que les tribunaux ont remis en cause récemment l’actuelle gestion environnementale basée sur l’application de directives, parfois confidentielles, qui n’ont aucune force légale.
La LQE conférant au ministre de l’Environnement la responsabilité des écosystèmes, nul doute qu’il pourrait protéger par règlement, du moins à titre intérimaire et jusqu’à l’adoption d’une politique québécoise de la biodiversité, tous les milieux humides de moins de 0,5 ha et de n’autoriser ses fonctionnaires à détruire les plus petits qu’en cas de nécessité absolue pour des fins publiques.
Le gouvernement peut aussi modifier le règlement sur l’évaluation des impacts environnementaux pour assujettir la totalité des plans, programmes et politiques gouvernementales, y compris à saveur économique et fiscale, à une étude d’impacts environnementaux et, au besoin, à une audience publique préalable. Le PQ de Jacques Parizeau s’était engagé à le faire avant son élection de 1994…
Or, le PQ de Lucien Bouchard est allé exactement en sens contraire par une décision aussi majeure que méconnue et toujours en place. En effet, le règlement d’administration du Conseil des ministres a été modifié, révélait alors Le Devoir, pour imposer plutôt une évaluation économique aux projets de règlements à caractère social et environnemental, la source depuis lors d’un invisible mais constant glissement vers la droite que réclame d’ailleurs depuis 15 ans l’extrême droite républicaine aux États-Unis !
Voilà comment gouverner autrement en environnement pourrait dépasser rapidement le stade du slogan et changer vraiment les choses."
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