Friends of the Richelieu. A river. A passion.



"Tout cedit pays est fort uny, remply de forests, vignes & noyers. Aucuns Chrestiens n'estoient encores parvenus jusques en cedit lieu, que nous, qui eusmes assez de peine à monter le riviere à la rame. " Samuel de Champlain


"All this region is very level and full of forests, vines and butternut trees. No Christian has ever visited this land and we had all the misery of the world trying to paddle the river upstream." Samuel de Champlain

Wednesday, February 26, 2014

Les semaines chez les Juneau



J'étais encore au primaire. C'était la fin de l'année: il ne restait que quelques examens faciles pour terminer l'école, et ensuite, c'était le début des vacances d'été.

Mais cette année, ce serait légèrement différent. Mon père devait partir en voyage d'affaires; il travaillait pour la compagnie Monroe, dans ces temps-là, et mes parents avaient combiné ce voyage avec des vacances dans Les Maritimes, si je me souviens bien.

Pour que je ne manque pas d'école, ma mère avait demandé à une amie, Mme Juneau, rencontrée chez Le Cercle des Fermières, de me loger chez elle avec sa famille. Suzanne, l'une de ses filles, était dans ma classe, et sa soeur Diane, un peu plus âgée, je la connaissais aussi.

La famille Juneau habitait au deuxième étage d'une grande maison en bois située en plein coeur du village, juste à côté de la voie ferrée. Au premier étage, il y avait un "magasin général" où les enfants du coin allait s'acheter des friandises. Dans le temps, au début des années 1960, il n'y avait pas encore le dépanneur Vallières.

La maison était grande, mais la famille Juneau était nombreuse. On montait à l'étage via un escalier en bois pas trop solide qui menait à une galerie qui ceinturait la maison au 2e sur deux côtés: la devanture sur la 2e Rue et le côté nord. L'entrée nous menait directement dans la grande cuisine où toute la famille prenait ses repas autour d'une grande table qui prenait beaucoup de place dans cette cuisine. Je me rappelle d'avoir passé bien du temps à jouer sur cette table le jeu Pick-up Sticks, le modèle de luxe dont les bâtons multicolores étaient fait en plastique.

À côté de la cuisine se trouvait la seule chambre de bain de la maison. La première nuit chez eux, j'ai couché sur un matelas sur le plancher en face du piano, la tête sous le clavier, avec Suzanne et Diane. Elles avaient passé beaucoup de temps, ce soir-là, à m'assurer que la nuit suivante et les prochaines, nous serions toutes dans un vrai lit. Ce soir était en attendant que les choses s'organisent. En effet, toutes les autres nuits, moi et les deux soeurs, nous étions toutes couchées dans un lit double, probablement celui des parents.

Les premières journées étaient presque de la routine: il fallait aller à l'école, la marche était moins longue, vu que nous étions plus près de l'école que chez nous. Le soir, il fallait se préparer pour les examens du lendemain. Mais une fois l'année scolaire terminée, c'était les vacances, mais cette année, loin de chez moi, le plaisir d'être en vacances n'était tout simplement pas là.

Le manque de tranquillité, d'intimité, surtout pour se laver et s'habiller, l'absence de livres, de revues et de journaux, tout cela me manquait beaucoup. Je n'en revenais pas que tant de temps et d'énergie soient passés à aller acheter des bonbons: c'est quelque chose que mes parents m'interdisaient en tout temps.

Un jour, Mme Juneau m'annonce que mes parents étaient revenus. J'ai fait ma valise, mes adieux, et j'ai pris place seule dans un taxi, quelque chose que je n'avais jamais fait, encore moins toute seule, pour retourner chez moi.

Sur le chemin du retour, en longeant la rivière, j'ai réalisé comment la rivière m'avait manquée. Les Juneau, habitant au coeur du village, vis-à-vis une section de la rivière qui était plus étroite, d'où le choix pour faire traverser la voie ferrée, et donc où la rivière était profonde et le courant menaçant, n'étaient pas particulièrement des riverains. Ni leurs voisins, d'ailleurs. Le talus à pic, le courant périlleux, le manque de plage, tout cela faisait que les Richelois de cette partie de la ville n'étaient pas conscients de la rivière tout près.

Mais je me rappelle d'être assise dans ce taxi, seule derrière le chauffeur, à regarder par la fenêtre la rivière qui brillait sous le chaud soleil du début de l'été. Je me sentais revivre. Puis le taxi vira dans la cour de la maison de mes parents. Ma mère m'attendait dehors. Mon père devait être au travail. Le taxi aussitôt arrêté derrière la maison, j'ai débarqué vite de l'auto pour aller me réfugier dans les jupes de ma mère, en sanglots.

Ma mère inquiète interrogea le chauffeur qui l'assura que j'avais été tranquille pendant tout le trajet. Puis elle me força d'arrêter de pleurer pour que je lui dise pourquoi je pleurais. Elle ne comprenait pas que j'étais tout simplement soulagée d'être revenue chez moi...

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