Friends of the Richelieu. A river. A passion.



"Tout cedit pays est fort uny, remply de forests, vignes & noyers. Aucuns Chrestiens n'estoient encores parvenus jusques en cedit lieu, que nous, qui eusmes assez de peine à monter le riviere à la rame. " Samuel de Champlain


"All this region is very level and full of forests, vines and butternut trees. No Christian has ever visited this land and we had all the misery of the world trying to paddle the river upstream." Samuel de Champlain

Wednesday, May 21, 2014

Fi!



Le 20 mai 2014

Fi!

Aimez-vous les tours de carrousel? Vous savez ces attractions foraines que l’on nomme du joli nom anglais «Merry-go-round»? C’est splendide, on a l’impression de chevaucher et de parcourir des kilomètres, jusqu’au moment où l’on comprend que l’on tourne en rond. Allez savoir pourquoi, mais la militance écologique a parfois l’air d’un tour de manège.

En août 2010, j’ai commencé à m’inquiéter de la question des gaz de schiste qui a connu une première implantation presque en cachette. Des «claims» avaient été vendus, on avait fait des levés sismiques sans que quiconque comprenne ce qui se tramait, quand soudainement les populations des villages québécois ont compris qu’on allait faire du développement industriel et minier dans des zones rurales. Alors, nous nous sommes mobilisés et nous avons refusé cet envahissement de notre territoire. Nous nous sommes fâchés, nous avons manifesté, battu de la casserole, fait des marches de centaines de kilomètres et des rassemblements monstres.

Nous avons traversé un BAPE, suivi d’une étude environnementale stratégique qui s’est terminée sur un autre BAPE, lequel se tient présentement. Un tour complet de carrousel. Rien n’a fait, si ce n’est que nous avions obtenu du futur gouvernement péquiste, en 2012, une promesse de moratoire. La loi est morte au feuilleton lors des dernières élections.

Sans doute suis-je naïve, mais j’avais une certaine confiance dans le système démocratique: s’il est vrai que généralement on prend en compte le besoin des corporations, quand la population refuse quelque chose fermement, on peut avoir confiance que le gouvernement écoutera ses électeurs. C’est une certitude à laquelle nous nous accrochons avec ferveur, c’est une idée très importante que nous chérissons et que nous ne voulons surtout pas qu’elle s’avère fausse. Nous vivons en démocratie, c’est le peuple qui décide, n’est-ce pas? N’est-ce pas?

Sauf que notre démocratie est de type britannique, uninominale à un tour, dans un régime fédéral dont nous ne contrôlons pas tous les pouvoirs et qui est soumis à des accords de libre-échange favorisant la libre entreprise et la protection des investissements, lesquels ont été négociés en secret. Autrement dit, quand on y regarde de près, la démocratie et le pouvoir du peuple, c’est très théorique. Quatre ans de militance active m’ont appris cela.

Il y a un penseur nommé Chomsky qui a développé un concept qui se nomme «la fabrication du consentement.» Dans diverses analyses, il réussit à démontrer comment les gouvernements, ou les agences de publicité, arrivent à influencer des pans entiers de la population pour leur faire accepter ce qu’ils veulent. Une des techniques répandues est d’épuiser les adversaires en multipliant les instances de consultation. Cela finit par leur donner le tournis.

En écologie, notre ennemi se nomme l’acceptabilité sociale. Il s’agit d’une notion de développement durable (apprécions la contradiction profonde d’une société capitaliste qui prospère justement sur le gaspillage) dont on se soucie beaucoup pour préserver l’environnement. Son existence est attestée par la loi sur le développement durable de 2006. Ainsi, lorsqu’il est question de développement, on doit vérifier que la population est d’accord.

Cette notion est aberrante, parce qu’elle ne se base pas sur la démocratie, elle en est un faux-semblant. Aurait-on pu demander à la population par référendum si elle voulait du développement gazier et pétrolier? Moins cher que la série d’opérations que sont le BAPE de 2010, l’ÉES de 2011 à 2013, la commission parlementaire partiellement avortée de 2014 et finalement le nouveau BAPE de 2014. N’oublions pas aussi les consultations sur l’avenir énergétique. On pose la question clairement, une bonne fois et nous avons une réponse démocratique. Et définitive. Mais, ça ne nous permet pas d’obtenir la réponse attendue, celle que veulent les industriels: «M. Binnion affirme d’ailleurs qu’il a bon espoir de voir les compagnies gazières pouvoir fracturer à nouveau dans la Vallée du Saint-Laurent. «Nous avons vu avec l’étude environnementale, il n’y a pas de problème pour l’eau. (…) Je suis un éternel optimiste pour ce qui est du développement du gaz de schiste. Nous avons bon espoir d’avoir une acceptation sociale pour aller de l’avant»»1 Le président de l’association gazière serait-il un fanfaron? D’où peut-il prendre l’idée que les gens sont d’accord pour la fracturation après tout le tapage que nous avons fait contre son implantation depuis quatre ans? La population aurait changé d’opinion, aurait oublié? Peut-être est-ce juste que nous avons trop fait de tours de manège et que nous avons mal au coeur.

L’acceptabilité sociale n’est pas une notion politique. Elle n’est pas, par ailleurs, une notion scientifique. Y a-t-il ou non danger de pollution des nappes phréatiques? Les liquides de fracturation sont-ils toxiques ou non? 99.5% de monsieur et madame tout-le-monde pourraient être convaincus que c’est une bonne idée de développer l’industrie gazière au Québec, si les scientifiques démontrent que l’on va contaminer l’eau de manière irrémédiable, procède-t-on? Binnion nous dit que l’ÉES n’a pas trouvé de liens significatifs entre la contamination des nappes phréatiques et la fracturation hydraulique.2 Ils n’ont pas cherché très fort, parce que le collectif scientifique contre les gaz de schiste en a trouvé, lui, des études bien documentées, mais les commissaires de l’étude environnementale ont refusé d’entendre ce groupe. Rappelons aussi que l’étude environnementale ne se préoccupe pas fondamentalement du procédé de fracturation, mais de la possibilité d’implanter l’industrie, autrement dit, elle n’étudie pas spécifiquement les problèmes de santé ou de pollution. C’est comme d’essayer d’observer les étoiles avec des jumelles plutôt qu’un télescope, c’est possible, mais ce n’est pas le meilleur outil.

Les consultations répétitives sont une manière de faire fi de l’opinion démocratique et scientifique d’une population avec des tours de magie et des carrousels pour fabriquer notre consentement. J’invite les citoyens à ne pas être dupes: nous ne sommes pas plus avancés aujourd’hui qu’il y a quatre ans, mais nous restons déterminés à protéger ce qui nous appartient. Chassons ces bonimenteurs de foire de chez nous. Fi, nous descendons du manège et nous vous chassons.

Marie-Ève Mathieu, militante écosocialiste

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1 -
http://argent.canoe.ca/nouvelles/lindustrie-­-des-­-gaz-­-de-­-schiste-­-veut-­-calmer-­-le-­-jeu-­-
13052014


2 -
http://quebec.huffingtonpost.ca/michael-­-binnion/fracturation-­-hydraulique-­-
informations_b_5255711.html




My translation of above rant:

May 20 2014

Away with you!

Do you like carousel rides? You know! Those fairground rides called 'merry-go-round'? It's wonderful! It gives the impression of riding for kilometers until you realize that you are going around in circles. It is surprising how environmental activism sometimes is like a roundabout.

Back in August 2010, I started wondering about the shale gas question that started almost on the sly. "Claims" had been sold, seismic soundings were done without anybody understanding what was going on, when all of a sudden people in Quebec communities started to understand that industrial and mining development would be happening in rural regions. So, we started to mobilize, and we refused this invasion of our territory. We got mad, we went down in the streets, banged our pots and pans, marched for hundreds of kilometers and assembled in monstrous crowds.

We went through a BAPE (provincial environmental public hearings body), followed by a Strategic Environmental Assessment that ended up with another BAPE still going on right now. A complete carousel ride. All for naught, except we ended up getting from a future PQ government a promise of a moratorium. The bill was dropped from the agenda with the latest elections.

Call me naive, but I still had some trust left in the democratic system: if it is usually true that corporation needs are taken into account, when the population firmly refuses something, one can be fairly certain that the government will listen to the electorate. It is a certainty we are fervently holding on to, it is a very important idea that we cherish and we certainly don't want to end up as being false. We live in a democracy, the people decide, doesn't it? Doesn't it?

Except that our democracy comes from the British type, uninominal first past the post, in a federal regime in which we do not control all the power and submitted to free trade accords favoring free enterprise and the protection of investments negotiated in secret. In other words, upon closer scrutiny, democracy and people power are very theoretical. Four years of full-fledged activism taught me this much.

A thinker named Chomsky developed the concept called "the fabrication of consent". In various analyses, he successfully demonstrates how governments, or advertising agencies, come to influence whole sectors of society to make them accept what they want. One of the well known techniques is to burn out the adversary by multiplying consultation procedures. It ends up by making you dizzy.

In the environmental movement, the enemy is called social acceptability. It is a notion of sustainable development (let's appreciate the deep contradiction of a capitalist society that flourishes thanks to waste) that receives a lot of attention to protect the environment. Its existence is certified by the law of sustainable development of 2006. So when there is talk of development, one must check if the population agrees.

This notion is outrageous because it is not base on democracy, it is a smokescreen. Could we have asked by referendum if the population wanted oil and gas development? It would have been less expensive than the series of exercises of the 2010 BAPE, the 2011-2013 ÉES, the 2014 parliamentary commission partially aborted and finally the latest 2014 BAPE. Also, let us not forget the consultations on our energy future. We could have asked a clear question, once and for all, and we would have had a democratic answer. Definitly. But, it would not have given us the expected answer, the one the industry wants: "Mr Binnion says that he is hopeful to see the gas companies go ahead and start fracking again in the St. Lawrence Valley. 'We have seen in the environmental study that there is no problem for water. (...) I am forever an optimist when it comes to the development of shale gas. We hope to get social acceptability so we can go ahead'" (1). Is the president of the gas association a braggart? Where did he get the idea that the people agree to fracking after all the hoopla we did against it's invasion for the past 4 years? Would the population have already changed it's mind, forgotten everything? Maybe it is because we have ridden the merry-go-round for too long and we are now nauseous.

Social acceptability is not a political notion. And by the way, it is not a scientific notion either. Is there risk of pollution for the groundwater table, yes or no? Are the fracking fluids toxic or not? 99,5% of the men and women of the street could be convinced that it is a good idea to develop the gas industry in Quebec, if the scientists prove that the water could be contaminated with no going back, do we go ahead? Binnion tells us that the ÉES did not find significant links between the underground water table contamination and hydraulic fracturing. (2) They did not look very far, because the Scientific Collective on the Shale gas question did find some well documented studies, but the commissioners of the environmental study refused to hear that group. Let us remember that the environmental study does not look specifically at the fracking process, but the possibility of letting the industry in; in other words, it does not study specifically health or pollution. It is like trying to study the stars with binoculars rather than a telescope: it can be done, but it is not the best tool to do it.

The repetitive consultations are a way of making a fool out of the democratic and scientific opinion of a population thanks to magic tricks and merry-go-rounds to fabricate our consent. I invite the citizens to not let themselves be fooled: there has been no progress now, 4 years later, but we remain determine to protect what belongs to us. Let us chase these fairground hucksters from here. Away with you! We are getting off this carousel and chasing you away.

Marie-Ève Mathieu, ecosocialist activist

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