Photo: oleocene.org
Exploitation du gaz de schiste - Un autre changement de ton sur Anticosti
Publié dans Le Devoir du 17 décembre 2015 |Alexandre Shields, Marco Bélair-Cirino |
Le ministre de l’Environnement, David Heurtel, a affirmé mercredi que l’exploitation des éventuelles réserves de gaz de schiste de l’île d’Anticosti soulève des questions environnementales « très sérieuses », surtout dans un contexte de lutte contre les changements climatiques. Il a d’ailleurs répété que le gouvernement Couillard est peu enthousiaste à l’idée d’aller forer le sous-sol de l’île.
Le changement de ton a de quoi surprendre. Après avoir défendu ardemment l’idée d’exploiter le gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent, malgré la vive controverse, voilà que le Parti libéral du Québec semble s’interroger sur la pertinence de lancer le Québec dans une telle filière énergétique.
Même s’il injecte des millions de dollars de fonds publics dans des travaux d’exploration sur Anticosti, le gouvernement Couillard exprime de sérieux doutes sur la suite des choses. Selon ce qu’a déclaré le ministre Heurtel à la sortie du conseil des ministres, mercredi, l’exploitation de gaz de schiste sur Anticosti soulève « des questions environnementales très, très, très sérieuses ».
« On parle de fracturation hydraulique en milieu insulaire, ce qui soulève des questions très sérieuses », a-t-il ajouté. Selon M. Heurtel, il faut également prendre en compte les « impacts » de l’exploitation « de ce type de gaz » au Québec, notamment en ce qui a trait à la production de gaz à effet de serre (GES).
« Il faut une cohérence entre un tel projet, où on parlerait d’exploiter du gaz de schiste, par rapport à ce qu’on veut essayer de faire pour réduire nos gaz à effet de serre », a précisé le ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les Changements climatiques.
Gaz à effet de serre
Toute exploitation d’énergies fossiles sur Anticosti serait évidemment productrice de gaz à effet de serre. L’étude du ministère de l’Environnement réalisée dans le cadre de l’évaluation environnementale stratégique (EES), qui admet une grande incertitude dans ses prévisions, estime que la production de GES pourrait atteindre 1,4 million de tonnes par année, en supposant que le gaz de schiste serait récupéré dès le début de l’exploitation du pétrole. Cela représente une hausse de 2 % des émissions du Québec.
Si le gaz devait être brûlé sur place, comme cela se fait dans d’autres exploitations de pétrole de schiste, les émissions annuelles de GES « seraient beaucoup plus élevées » et pourraient atteindre de 6 à 10 millions de tonnes. Cela représenterait de 9 % à 15 % des émissions du Québec en 2020.
Aucun enthousiasme
David Heurtel a par ailleurs réitéré les récents propos de Philippe Couillard en soulignant que le gouvernement libéral n’a « aucun enthousiasme pour ce projet » d’exploitation des hypothétiques ressources énergétiques fossiles d’Anticosti.
L’EES sera néanmoins complétée, a-t-il indiqué. « On veut être rigoureux. On veut faire le travail au complet et on s’assure d’avoir le résultat des études avant de prendre une décision finale. »
Pendant le sommet de Paris sur le climat, le premier ministre a toutefois pris ses distances par rapport à la décision de financer des travaux d’exploration sur Anticosti, travaux dans lesquels l’État a injecté 56,7 millions de dollars. « Anticosti, moi je n’ai rien à voir avec ce projet-là, a-t-il déclaré. Je l’ai trouvé à mon arrivée. J’aurais préféré ne pas le trouver parce que je m’étais opposé à ce projet quand j’étais dans l’opposition. […] S’il y a le moindre risque, le moindre risque, pour ce milieu naturel extraordinaire qu’est Anticosti, le projet n’aura pas lieu. »
Forages en 2016
Le gouvernement affirme cependant être « pris » avec un contrat signé par le gouvernement péquiste en 2014. Reste que l’État est le premier actionnaire de Pétrolia, maître-d’oeuvre des travaux d’exploration sur l’île. Des travaux qui doivent se poursuivre en 2016. Les sites où seront menés trois forages avec fracturation sur l’île d’Anticosti ont été choisis, révélait d’ailleurs récemment Le Devoir.
Ces travaux, les premiers du genre dans l’histoire du Québec pour la recherche de pétrole, doivent servir à confirmer le potentiel commercial d’exploitation d’énergies fossiles sur l’île. L’EES, qui doit être complétée sous peu, ne tiendra pas compte des impacts environnementaux de ces forages.
Mercredi en fin de journée, cinq études portant sur Anticosti et réalisées dans le cadre de l’EES n’étaient toujours pas disponibles, plus de trois semaines après la fin des consultations publiques sur l’EES. Parmi celles-ci, on retrouve une étude qui doit permettre de qualifier et de quantifier « les principaux effets sociaux, économiques et environnementaux qui résulteraient d’activités d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures sur Anticosti ». Une autre porte « sur les principaux avantages et les principaux coûts pour la société [québécoise et anticostienne] qui pourraient résulter d’une éventuelle exploitation des hydrocarbures ».
La question de l’eau
Qu’il s’agisse de gaz ou de pétrole, l’exploitation sur Anticosti nécessiterait de procéder à de la fracturation. Une étude menée pour évaluer les besoins en eau estime que chaque forage consommerait près de 22 millions de litres d’eau. Or, seules deux zones de l’île pourraient répondre aux besoins en eau de l’industrie, et seulement à raison deux ou trois forages simultanés. L’étude suggère donc d’évaluer la possibilité de puiser de l’eau directement dans le golfe du Saint-Laurent.
Plusieurs composés jugés « toxiques » sont ajoutés à cette eau de fracturation, rappelle une étude environnementale gouvernementale. Or, « plusieurs informations sur la persistance dans les milieux aquatiques, la bioaccumulation dans les organismes aquatiques ou la toxicité quant à ces organismes sont manquantes pour de nombreux composés susceptibles d’être utilisés comme intrants de fracturation ». Et il n’existe aucune structure sur Anticosti pour traiter cette eau.
Pour extraire ces hypothétiques ressources, les investissements en exploitation et en infrastructures seraient majeurs. En fait, on estime que chaque forage pourrait coûter 8,8 millions de dollars. Qui plus est, les coûts de transport uniquement pour le gaz de schiste se chiffreraient en milliards de dollars. En supposant la construction d’un gazoduc pour atteindre la Gaspésie, les investissements pourraient dépasser les 10 milliards. L’entreprise Pétrolia a évoqué récemment cette dernière hypothèse. Dans le cas d’un recours à un navire-usine, les coûts dépasseraient les sept milliards.
Lien: http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/458143/anticosti-un-autre-changement-de-ton-sur-les-travaux-d-exploration
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
My translation of above article:
Shale gas extraction - Another change of heart for Anticosti
Environment Minister David Heurtel said Wednesday that the exploitation of eventual shale gas reserves of Anticosti Island brings up environmental questions that are "very serious", especially when climate change is involved. He repeated that the Couillard government is very little enthusiastic about the idea of drilling the island.
The change of heart is somewhat surprising. After keenly defending the idea of exploiting shale gas in the St. Lawrence Valley, despite the great controversy, now the Quebec Liberal Party seems to question the relevance of launching Quebec in such an energy option.
Even though it is injecting millions of dollars of public money in exploration work on Anticosti, the Couillard government is expressing serious doubts about what to do in the future. By what Minister Heurtel said Wednesday at the end of the ministers council, the exploitation of shale gas on Anticosti brings up "very, very, very serious environmental questions".
"We are talking about hydraulic fracturing in an insular environment, which brings up very serious questions", he added. As per Mr Heurtel, one must also take into account the "impacts" of the exploitation "of this type of gas" in Quebec, especially when one includes the emission of greenhouse gases.
"There must be consistency between such a project, where one talks about exploiting shale gas, in relation to what we want to try to do to reduce our greenhouse gases", added the Environment Minister.
Greenhouse gases
Any exploitation of fossil fuels on Anticosti would evidently produce greenhouse gases. The study of the Environment ministry done for the Strategic Environmental Assessment (EES), that admits that there is a lot of uncertainty in its predictions, estimates that the production of greenhouse gases could get as high as 1.4 million tons per year, assuming that the shale gas would be retrieved at the very start of the oil exploitation. That represents an increase of 2% of Quebec emissions.
If the gas was going to be burnt on site, like it is done in other shale oil fields, the yearly emissions of greenhouse gases "would be much higher" and could be between 6 to 10 million tons. That would represent between 9% and 15% of Quebec emissions in 2020.
No enthusiasm
David Heurtel reiterated what Philippe Couillard said recently and said that the Liberal government has "no enthusiasm for this project" of exploiting the hypothetical fossil fuel resources of Anticosti.
The EES will be completed anyway, he added. "We want to be rigorous. We want to do a complete job and be sure to have the study results before making a final decision."
During the climate summit in Paris, the Prime Minister did distance himself from the decision to fund the exploration work on Anticosti, in which the State has injected $56.7 million. "I have nothing to do with the Anticosti project, he had said. I found it when I got here. I would have preferred not to find it because I had been opposed to this project when I was in Opposition. (...) If there is the smallest risk, the smallest risk for this extraordinary natural site that is Anticosti, the project will not go ahead."
Drilling in 2016
The government says being "stuck" with a signed contract by the PQ government back in 2014. But the State is still the first shareholder of Petrolia, at the head of the exploration work on the island. Work that should go on in 2016. The locations where three drilling sites with fracking on Anticosti Island have been decided upon, reported Le Devoir recently.
This work, the first of its kind in the history of Quebec for the search for oil, must held to confirm the commercial potential of fossil fuel exploitation on the island. The EES, that should be completed soon, will not take into account of the environmental impacts of this drilling.
At the end of the day, Wednesday, five studies on Anticosti and done for the EES, were still not available, more than 3 weeks after the end of the public consultations for the EES. Among those studies, there is one that should qualify and quantify "the main social, economic and environmental effects from hydrocarbon exploration and exploitation activities on Anticosti". Another one is about "the main advantages and costs for society that could come from an eventual exploitation of hydrocarbons".
About the water
Be it about gas or oil, the exploitation of Anticosti would need to use fracking. A study done to assess the water needs evaluates that each drilling would use up nearly 22 million liters of water. But only 2 zones of the island could furnish those needs of water for the industry, and only if there are only 2 or 3 drilling sites simultaneously. The study suggests to consider the possibility of using water from the Gulf of the St. Lawrence directly.
Many products considered "toxic" are added to this fracking water, says a governmental environment study. But "a lot of information on the persistence in aquatic environments, the bio-accumulation in the aquatic organisms or the toxicity to these organisms are missing for many products susceptible to be used during fracking". And there exists no structure on Anticosti to treat this water.
To extract these potential resources, investments in exploitation and in infrastructures would be important. Indeed, it is estimated that each drilling could cost $8.8 million. Plus, the transportation costs only for the shale gas would be in the billion of dollars. Supposing the construction of a gas pipeline to the Gaspésie Peninsula, investments could go beyond $10 billion. Petrolia recently mentioned this recent option. If there were to be a LNG factory ship, the cost would be more than 7 billion.
Thursday, December 17, 2015
Subscribe to:
Post Comments (Atom)
No comments:
Post a Comment