Les quantités phénoménales de saumures générées par les forages et fracturations hydrauliques pour extraire le gaz de schiste sont l'une de mes principales préoccupations: où est-ce que tout cela va aboutir? Au Québec, les rivières de la vallée du Saint-Laurent peinent à encaisser la pollution municipale et agricole! Qu'arriverait-il si on y ajoute des saumures (peut-être radioactives?) en plus?
Le problème se manifeste déjà aux États-Unis, bien sûr. Et malgré des mesures d'atténuation (ou de mitigation) adoptées, le problème ne semble pas vouloir se résorber. Voici une traduction libre d'un article d'une région qui exploite déjà le gaz de schiste en Virginie Occidentale.
Les sels de forage, un danger pour l'eau potable, se retrouvent toujours dans des rivières.
Debout sur un quai au-dessus d'un plan d'eau près des rives de la rivière Ohio, Frank Blaskovich pointe du doigt une série de tuyaux de l'autre côté. "Là, c'est là que l'on puise l'eau de la rivière." dit Blaskovich, le gérant du traitement de l'eau pour Wheeling, en Virginie Occidentale. Son travail consiste à prélever l'eau de la rivière Ohio et la transformer en eau potable saine pour sa ville de 30,000 personnes. Mais depuis 2008, la rivière Ohio est trop salée, alors il doit la diluer avec de l'eau souterraine tirée de puits d'appoint. Blaskovich n'aime pas devoir le faire, parce que chaque étape ajoutée au traitement de l'eau ajoute au coût de traiter l'eau.
"Le prix de l'eau va éventuellement augmenter, ce qui va probablement entraîner une hausse des taxes." dit-il. Mais il dilue l'eau de la rivière quand même parce qu'elle contient trop de bromures. Les bromures sont des sels qui sont en soi inoffensifs. Mais mêlés au chlore dans une usine de filtration d'eau potable comme celle-ci, il se forme ensuite des chimiques appelés trihalométhanes. Être exposé aux trihalométhanes accroit les chances d'attraper des cancers, comme de la vessie, à long terme.
À cause des concentrations élevées de bromures dans les rivières, Wheeling et des douzaines d'autres usines de la Pennsylvanie et de la Virginie Occidentale ont dépassées les limites permises de l'EPA en trihalométhanes depuis les 3 dernières années. Depuis 3 ans, 34 installations d'eau potable de la Pennsylvanie ont dépassé les normes de l'EPA pour ce cancérigène. Les bromures viennent de plusieurs sources, comme l'eau de mer, les centrales thermiques au charbon, et les chimiques. Mais la pointe de bromures dans la rivière Ohio est arrivée il y a 3 ans, et Blaskovich pense que ce n'est pas une coïncidence: "C'est à ce moment-là qu'ont commencé les forages profonds pour le gaz dans cette région du pays." dit-il.
Chaque puits de forage dans le Marcellus génère des millions de gallons d'eau salée. L'eau est pleine de bromures, et jusqu'à récemment, les foreurs en Pennsylvanie transportaient par camion leurs eaux usées vers des usines de traitement pour s'en débarrasser. Les usines peuvent traiter l'eau pour enlever les métaux et d'autres polluants, mais pas les bromures. Cela exige une nouvelle technologie très dispendieuse. Les usines rejetaient tout simplement leurs eaux traitées, incluant les bromures, dans les rivières et les cours d'eau.
Mais en constatant que les concentrations de trihaométhane commençaient à augmenter dans les usines de traitement d'eau potable, les législateurs ont commencé à s'y attarder. En mars dernier, l'EPA commençait à se préoccuper de la gestion des eaux usées des forages menée par la Pennsylvanie, et un mois plus tard, le département de la protection de l'environnement (DEP) de l'état a demandé aux foreurs d'arrêter d'envoyer leurs eaux usées aux usines de traitement.
Mike Krancer, le secrétaire du DEP, dit qu'un programme volontaire serait plus rapide que de faire passer une nouvelle loi. "L'industrie - et je savais qu'elle le ferait - a réagit d'une façon responsable et s'est plié aux nouvelles consignes, alors nous avons eu une réponse en dedans de 28 heures au lieu de 28 mois." dit Krancer.
Selon les dossiers du DEP étudiés par le groupe "The Allegheny Front", la demande volontaire a arrêté la plupart, mais pas tous les foreurs qui envoient les saumures du Marcellus vers ces usines. Après la demand, certaines installations comme le Franklin Brine Treatment Plant au sud de Erie, ont vu leurs livraisons d'eaux usées pétrolières et gazières diminuer de 70%.
Les foreurs disent qu'ils recyclent davantage leur eau, maintenant, ou l'envoient en Ohio vers les puits d'injection à grande profondeur.
Si les foreurs envoient beaucoup moins de saumures vers les usines de traitement, les niveaux de concentration de bromures dans les rivières devraient baisser. Mais pour le moment, en tout cas cette année, cela n'a pas été le cas, dit Jeanne VanBriesen, une scientifique de Carnegie Mellon qui fait du monitorage des bromures dans la rivière Monongahela depuis 2 ans. "Nous pensions que vu l'année a été pluvieuse qu'il n'y aurait presque pas de bromure et que la concentration serait sous la limite de détection dans la plupart de nos spécimens, mais ce n'est pas le cas." dit-elle.
Mais la question demeure toujours: d'où vient donc le bromure? Voilà la mission que s'est donné Stanley States, le directeur du traitement de l'eau du Pittsburgh Water and Sewer Authority. Sa mission lui a fait parcourir les rives de la rivière Clarion, dans Elk County en cette journée froide de novembre. Il mesure les bromures dans les eaux qui alimentent son usine d'Allegheny à Pittsburgh. Portant ses cuissardes, il s'avance dans la rivière. Dans le courant, il lance un panier de broche contenant une cruche de plastique. Il fera analyser le contenu de la cruche par 2 laboratoires séparés pour voir si les bromures de la rivière Clarion pourrait impacter l'eau potable dans la rivière Allegheny plus loin en aval. "La protection des sources d'eau fait parti de ce que nous sommes supposés de faire en tant que personnes chargées de l'eau potable." dit States pendant une pause de ses activités de prélèvements. "Notre traitement ne commence pas seulement à l'usine: cela commence dans le système de la rivière."
States travaille avec des chercheurs de l'université de Pittsburgh afin d'identifier les endroits ciblés pour identifier les sources de bromures. Ils ont fait des prélèvements de spécimens en aval et en amont d'endroits comme des usines de traitement municipaux et commerciaux qui ont déjà accepté des saumures du Marcellus dans le passé. De retour dans son bureau, il dit que les centrales thermiques au charbon peuvent aussi faire monter les concentrations de bromures. Mais il a trouvé qu'elles ne sont pas la principale source de bromures. "C'est pas mal clair que les seuls endroits où il y a des augmentations importantes de bromures, c'est en aval de ces usines de traitement d'eaux usées industrielles." dit States.
Selon les conventions scientifiques, States ne nomme pas les usines de traitement où il fait du monitorage, bien qu'il rend disponible les endroits où elles sont situées. Cela soulève des doutes sur la crédibilité de l'étude, selon le secrétaire du DEP Krancer: "Je pense que les accusations qui sont faites sont particulièrement suspectes et non fondées, sûrement, parce que les noms des présumés contrevenants ne sont pas publiés. Je dois voir cela avec un oeil critique." dit Krancer.
Le groupe "The Allegheny Front" partage l'étude avec une poignée de scientifiques spécialisés en eau. Ils sont d'accord, en général, que States a employé des méthodes standardisées pour une telle étude. Ils disent qu'elle fournit un aperçu des niveaux de pollution à un moment donné à certains endroits, mais pas une idée d'ensemble de la santé de la rivière en général. L'une de ses forces, disent-ils, est que l'étude couvre une période de temps très longue. States a fait des prélèvements à 38 endroits une fois par mois pendant un an.
Le secrétaire du DEP Krancer dit que c'est probablement trop tôt pour annoncer un problème continu de bromures dans les rivières.
En prenant pour acquis que les données sont exactes, et que les niveaux de bromures sont toujours élevés, est-ce que cela veut dire que les saumures du Marcellus en sont toujours la cause? Cela n'est pas clair, dit VanBriesen de Carnegie Mellon. Elle dit qu'il pourrait y a voir d'autres sources de bromures. Cela pourrait venir des eaux usées des forages de pétrole et de gaz conventionnels, des activités qui se déroulent en Pennsylvanie depuis des décennies. "Presque tout ce qui a un rapport avec la production de combustibles fossiles a le potentiel de contenir des quantités de bromure qui devraient être gérées et qui devraient nous faire réfléchir." dit VanBriesen.
Alors, est-ce que cela veut dire que l'eau des fracturations hydrauliques n'étaient pas un problème dès le départ? C'est ce que certains opérateurs d'usines affirment. L'un de ces opérateurs, Paul Hart, est propriétaire de trois usines de traitement d'eaux usées d'activités pétrolières et gazières, dont l'usine Franklin Brine. Hart dit que le DEP se sert de "mauvaise science" en demandant aux foreurs de ne pas se servir de son usine.
Mais VanBriesen de Carnegie Mellon n'est pas d'accord. "Nous savons que ces eaux usées contiennent des bromures." dit-elle. "Tout déchet qui contient des bromures que vous sortez du système réduira la quantité de bromures dans le bassin."
Au printemps, l'EPA resserrera ses normes pour les trihalométhanes. Cela inquiète les opérateurs d'usines de traitement d'eau comme States. "Le public sera très inquiet si il reçoit des avis de santé publique affirmant que leur eau ne respecte pas la loi sur l'eau potable "Safe Drinking Water Act" dit States. "Il va vouloir des réponses." L'une des premières questions sera, selon States, sera qui est responsable de sortir les bromides des rivières."
"Salts From Drilling, a Drinking Water Danger, Still Showing Up in Rivers
Standing on a catwalk over a pool of water near the banks of the Ohio River, Frank Blaskovich points at a series of pipes draining into the far end of the pool. “There, that’s the river water coming in,” says Blaskovich, water treatment manager for Wheeling, West Virginia. His job is to take water from the Ohio River and make it into safe drinking water for his city of 30,000. But since 2008, the Ohio has been too salty, so he’s had to dilute it with groundwater from backup wells. Blaskovich doesn't like doing this, because each added step costs money.
“The price of water will eventually go up, which probably will lead to a possible rate hike,” he says. But he’s blending the river water anyway because it’s got high levels of bromide. Bromide is a salt, which by itself is harmless. But combined with chlorine at a drinking water plant like this one, it forms chemicals called trihalomethanes. Long term exposure to trihalomethanes increases the risk of bladder and other cancers.
Because of high bromide levels in the rivers, Wheeling and dozens of plants in Western Pennsylvania and West Virginia have violated the EPA’s limits on trihalomethanes over the last three years. Over that time, 34 different drinking Western Pennsylania drinking water authorities have exceeded EPA standards for the carcinogen. Bromides come from many places, including sea water, coal-fired power plants, and chemicals. But the Ohio’s spike in bromide occured three years ago, and Blaskovich thinks that’s no coincidence. “That’s when deep drilling for gas sort of took off in this area of the country,” he says.
Each Marcellus shale gas well produces millions of gallons of salty water. The water is full of bromides, and until recently, drillers in Western Pennsylvania trucked this discharge to wastewater plants for disposal. The plants could treat the water for metals and other pollutants, but not bromides. That requires expensive new technology. The plants would simply release the treated water — bromides and all — into rivers and streams.
But after trihalomethane levels started creeping up at drinking water plants, regulators took note. In March, the EPA expressed concern over Pennsylvania’s handling of Marcellus discharge, and a month later, the state’s Department of Environmental Protection asked drillers to stop sending wastewater to treatment plants.
DEP secretary Mike Krancer says a voluntary program would be quicker than making a new rule. “The industry — and I knew they would — did the responsible thing and complied, so we had compliance in 28 hours instead of 28 months,” Krancer says.
According to DEP records reviewed by The Allegheny Front, the request stopped most, but not all, drillers from sending Marcellus shale brine to these plants. After the request, some facilities, like the Franklin Brine Treatment plant south of Erie, saw their oil and gas wastewater shipments drop by 70 percent.
Drillers say that they are recycling more water now, or sending it to Ohio, where it’s injected into deep storage wells.
If drillers are sending much less of their salty water to treatment plants, bromide levels in the rivers should be going down. But, at least this year, that hasn’t been the case, says Jeanne VanBriesen, a Carnegie Mellon scientist who’s monitored bromide on the Monongahela River for the past two years. “We thought in such a wet year, we would see almost no bromide, it would be below our detection limit in most of our samples, and it was not,” she said.
But the question remains, where is the bromide coming from? Answering this question has been a mission for Stanley States, director of water treatment at Pittsburgh Water and Sewer Authority. This mission led him to the banks of the Clarion River, in Elk County, on a chilly November day. States has been measuring bromide in the source water for his Allegheny River plant in Pittsburgh. Wearing black and yellow waders, he got into fast-flowing river. Into the current, he hurled a wire basket with a plastic jug inside. He'll analyze the contents of the jug at two separate labs to see if bromides from the Clarion could affect drinking water in the Allegheny further downstream. “Source-water protection is part of what we’re supposed to do as drinking water people,” says States, during a break in his sampling. “Our treatment doesn’t begin at the plant — it begins in the river system.”
States has been working with University of Pittsburgh researchers to identify bromide hot spots. They’ve sampled above and below places like municipal and commercial treatement plants that have taken Marcellus Brine in the past. Back in his office, he says that coal-fired power plants can raise bromide levels. But he found these aren’t the biggest bromide producers. “It’s pretty clear the only places where there’s significant increases in bromides are downstream from these industrial waste water plants,” States says.
Citing scientific convention, States did not name the treatment plants he’s monitoring, though he does provide their locations. This raised doubts about the study’s credibility, for DEP Secretary Krancer. “I thought that the charge being made particularly suspicious and baseless, certainly, because supposed names of violators were not disclosed. I have to look at that with a bit of suspicion,” Krancer says.
The Allegheny Front shared the study with a handful of water scientists. They generally agreed that States used standard methods for a study of this kind. They said that it provides a snapshot of pollution levels in certain spots, not a definitive picture of the river’s overall health. One strength, they said, is that the study covers a long period of time. States has sampled 38 places once a month for a year.
States stands by his study.
Krancer, the DEP secretary, says that it’s probably too early to declare an ongoing bromide problem in the rivers.
Assuming the data are accurate, and that bromide levels are still high, does it mean that Marcellus brine is still the cause? That is unclear, says Carnegie Mellon’s VanBriesen. She says that there could be other potential sources of bromide. These include wastewater from conventional oil and gas drilling, the kind that’s been produced in Pennsylvania for decades. “Almost anything to do with fossil fuel production has the potential to contain amounts of bromide we should manage and think about,” VanBriesen says.
So does this mean that water from hydraulic fracturing wasn’t really a problem in the first place? That’s what some plant operators say. One of these operators is Paul Hart, who owns three oil and gas treatment plants, including the Franklin Brine plant. Hart said that DEP used “bad science” in asking drillers to steer clear of his plant.
But VanBriesen, of Carnegie Mellon, disagrees. “We know this wastewater has bromide in it,” she says. “Any waste you take out of the system that contains bromide will reduce amount of bromide in the basin.”
In the spring, the EPA will tighten their standards for trihalomethanes. That has water plant operators like States worried. “And the public will be very upset if they have to receive public notification that their water doesn’t comply with the safe drinking water act,” States says. “They’re going to want answers.” Chief among their questions, States says, is who’s responsible for getting bromides out of the rivers. "
Written by Reid R. Frazier published here: http://www.essentialpublicradio.org/story/2011-12-01/salts-drilling-drinking-water-danger-still-showing-rivers-9616
Les carrés pâles sont des sites de forage, les lignes qui s'y rendent sont les chemins d'accès. Les régions plus foncées sont les bassins versants de cours d'eau qui drainent la région.Photo: pacwa.org
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