La destruction planifiée du boisé des Hirondelles, à Saint-Bruno-de-Montarville, est un bon enseignement sur la nature, «un terreau fertile en éducation». Pas besoin d'organiser une soirée universitaire: l'histoire est un rendez-vous quotidien quand nos forêts sont menacées. Car à moins de réveiller tous les morts des cimetières de la Montérégie, de bloquer les routes ou d'occuper quelques hôtels de ville, cette forêt mature sera par le Grand Guignol «changée» en maisons de luxe respectables.
Manif à Longueuil, devant les bureaux du MDDEP, hier matin.
Pour qui seront ces maisons énergivores? Pour les nouveaux riches peut-être apparentés au Plan Nord libéral, qui sait? Aussi, pour qui seront ces condos de luxe qu'on cachera dans l'ancienne maison-mère des Soeurs de Jésus-Marie à Outremont, que l'Université de Montréal a revendue à de gros joueurs financiers? Ma soeur, une religieuse et une infirmière de cette communauté, est morte dans cette bâtisse patrimoniale en 1995. Quant au mont Saint-Bruno qui héberge la forêt «incriminée», j'y suis né en 1946; je connais la géographie de cette montagne comme ma propre vie jusqu'ici.
On change les lois quand ça fait l'affaire des seuls pouvoirs financiers et politiques; cette démocratie est piégée. C'est ce qui arrive aussi avec la chère biodiversité: la réalité de la violence rattrape la nature inhumaine. Quand nos forêts boréales se vidaient pour remplir les poches des actionnaires, une nouvelle loi («écrite» de haute lutte d'abord par des artistes!) viendra répondre à la crise systémique de cette économie indigente et indigeste, inflammable et contrefaite. Notre foresterie industrielle et industrieuse cherche aujourd'hui ses forêts, recherche «scientifiquement» des arbres disparus. Ô écologie, où te caches-tu?
«Nous sommes aujourd'hui dans une situation bien pire que celle qui prévalait dans le temps, alors que nous pensions déjà qu'il y avait problème», a écrit Harvey L. Mead dans L'indice de progrès véritable du Québec. Quand l'économie dépasse l'écologie.
Nous avons affaire ici, avec la nature manipulée (ou, ailleurs, empoisonnée au Round Up), à une champignonnière de spéculateurs, une forêt (entêtée mais sans tête) d'incultes individus. Leurs âmes élues et complices ont pris, sur nous la plèbe, le chemin du pouvoir mensonger. Le coeur à l'argent est leur comédie et notre tragédie.
Cette économie est une hypocrisie, un développement endurci, insensible à toute mémoire affective qui a vu les paysages défigurés par la commercialisation omniprésente, omnivore. Le déracinement est non seulement biologique, mais historique. Cette urbanisation forcée perdure et achève de faire de nous des démunis face aux mafias qui partout sur la planète sont en compétition, sur notre dos et le dos des autres.
Une dernière histoire vraie. On a maintenant clôturé joliment les douze micocouliers (ce sont des arbres) de la Grande Bibliothèque, coin Maisonneuve et Berri, à Montréal. Plantés lors de son ouverture, ils sont morts l'un après l'autre, faute de protection et d'attention (vélos, etc.). On en fera peut-être des vieilles sculptures pour fêter la disparition du Grand livre de la nature. N'ai-je pas vu récemment qu'on avait coupé trois beaux gros ginkgos, près de chez moi, pour faire pousser des condos? L'abrutissement est protégé par l'État. En espérant que ce brûlot éveillera les oreilles musicales des aveugles électeurs.
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Luc Fournier - Tourneur sur bois et travailleur en forêt
Lien: http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/341357/libre-opinion-pour-quelques-arbres-en-paix-dans-leur-derniere-foret
Un-authorized translation of an opinion published in Le Devoir January 30 2012
So that a few trees be left in peace in one of the last forests
The planned destruction of the Boisé des Hirondelles in Saint-Bruno-de-Montarville (Quebec) is a good lesson for nature, "a fertile learning medium in education". No need to organize a university conference: history is a daily occurrence when our forests are in jeopardy. Because unless all the corpses wake up in the Montérégie cemeteries, unless all the roads are blocked off or unless a few city halls are occupied, this mature forest will be transformed by the Great Puppet into respectable luxury housing.
For whom are destined these energy wasting houses? For the newly rich people tied to the liberal Plan Nord? Who knows? Also, for whom are destined these luxurious condos that will hide behind the walls of the old nunnery of the Soeurs de Jésus-Marie in Outremont that the University of Montreal sold to big money players? My sister, a nun and nurse of this community, died in this historical building in 1995. As for the Saint-Bruno mountain, site of the "incriminated" forest, I was born there in 1946: I know the geography of that mountain like my own life up to today.
Laws are changed when financial and political powers want them to change: this democracy is booby-trapped. That's what happens also to our dear biodiversity: the reality of violence catches up to the inhuman nature. When our boreal forests were being emptied to fill up shareholders' pockets, a new law ( "written" with great gusto first by artists!) will come to answer to the systemic crisis of this destitute and indigestible economy, flame-proof and fake. Our wood and industrious industry today looks for it's forests, "scientifically" looking for long gone trees. Oh ecology, where are you hiding?
"We are today in a much worse situation than way back then, when we thought we already had a problem." wrote Harvey L. Mead in his "L'indice de progrès véritable du Québec". When the economy surpasses ecology.
We are in the presence here with manipulated nature (or elsewhere, poisoned by Round Up), with a culture of speculators, a forest (stubborn, but headless) full of uneducated individuals. Their elected and complicit souls have taken the plebs on us, the road to lying power. The heart for money is their comedy and our tragedy.
This economy is an hypocrisy, a hardened development, insensible to any emotional memory that has seen landscapes being torn apart by the ever-present commercialization, omnivorous. The uprooting is not only biological, but historical. This forced urbanization goes on and finally makes us helpless against the mafioso that are in competition everywhere on the planet, at our expense and at the expense of everybody else.
One last true story. There is now a fine pretty fence around the 12 hackberries (they are trees) of the Grande Bibliothèque, at the corner of Maisonneuve and Berri, in Montreal. Planted there at the opening ceremony, they have died, one after the other, by lack of protection and care (bicycles, etc.). Maybe we'll make old sculptures to celebrate the passing of Nature's Big Book. Didn't I read recently that 3 big, beautiful Gingko were cut close to where I live, so that condos could grow? Morons are protected by the State. Hoping that this rant will awaken the musical ears of blind voters.
Signed: Luc Fournier, wood turner and forestry worker
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