La folie de la grosse agriculture: pourquoi la Nature va toujours vaincre.
L'agriculture industrialisée à grande échelle dépend sur l'ingénierie des terres pour assurer une absence de diversité naturelle. Avec l'apparition récente de "mauvaises" herbes tolérantes aux herbicides sur des fermes Américaines, la nature trouve ultimement une façon de miner l'uniformité et s'affirmer.
Traduction libre d'un texte écrit par Verlyn Klinkenborg.
Durant sa très courte et honteuse montée, la "grosse" agriculture a toujours une seule chose comme but: l'uniformité. L'exemple évident, c'est le maïs. Le département de l'agriculture aux États-Unis prédit que les fermiers de l'Amérique, les gros producteurs, sèmeront 94 millions d'acres de maïs cette année. C'est l'équivalent de semer du maïs sur la surface totale de l'état du Montana. Afin d'arriver à ce but, il faudrait s'assurer que chaque pouce carré du Montana respecte les paramètres pour la culture du maïs. Cela voudrait dire aplanir les inégalités du terrain, irriguer les endroits secs, drainer les endroits humides, fertiliser les endroits stériles, ainsi de suite. Le maïs est habituellement cultivé où le terrain est moins rigoureux qu'au Montana. Mais même au Iowa, cela a exigé que l'on égalise, irrigue, draine, fertilise et bien sûr, arroser.
Vous pouvez argumenter que l'uniformité est le résultat de l'efficacité, ou son contraire. Mais supposons que l'efficacité n'est que l'expression économique de l'uniformité. L'argumentaire est le suivant: quand vous êtes devant un champs de maïs dans le Midwest américain, vous savez que vous contemplez la nature à laquelle on a ajouté une idée. Cela porte beaucoup moins à la confusion et est beaucoup moins confus que la nature que vous pouvez même voir dans un fossé sur le bord d'une route qui traverse un champs de maïs, ou dans l'un des derniers champs de prairie intouchée qui survit dans un cimetière ou le long d'une voie ferrée abandonnée. La nature est parfois difficile à comprendre. Le maïs, lui, est stupéfiant.
Les humains ont passé beaucoup de temps à tenter de comprendre la vraie nature de la Nature. C'est difficile à se mettre la tête autour de cette idée, parce que nous vivons à la vitesse de la nature et à l'intérieur de la vision abstraite de l'humanité. Nous remarquons à peine les différences à grande échelle d'une année à l'autre, encore moins les petites d'une minute à l'autre. Mais si nous pouvions accélérer un tout petit peu le passage du temps et observer davantage, nous pourrions comprendre que la grande mission de la nature est d'essayer la vie partout et de toutes les façons qu'elle le peut, et cela veut dire partout et n'importe comment. Il en résulte, à long terme et immédiatement, une diversité, une complexité, une particularité et une capacité d'invention à une échelle que nos cerveaux peuvent à peine comprendre.
Une agriculture raisonnable ferait de son mieux pour imiter la nature. Plutôt que changer la planète pour s'adapter à une récolte, c'est ce ue nous faisons avec le maïs et le soya ainsi qu'une poignée d'autres récoltes agricoles, nous devrions diversifier nos récoltes pour s'adapter aux particularités de la planète. Cela n'arrivera jamais avec la grande culture, parce que l'agriculture industrielle est irrationnelle. C'est là que nous démontrons, à des coûts inimaginables, notre incapacité de comprendre comment la nature fonctionne. C'est là que l'uniformité est toujours éventuellement perdante devant la diversité, et où l'idée que ce fait la grande culture de la diversité s'est révélée être plus uniforme que jamais.
Pour une récolte uniforme comme le maïs, les fermiers ont été encouragés à épandre un herbicide uniforme pour tuer les "mauvaises herbes". Le maïs moderne est génétiquement modifié pour résister aux herbicides utilisés routinièrement. La plupart du temps, cet herbicide est du glyphosate, mis sur le marché par la marque de Monsanto appelée Roundup. Les fermiers ont épandu et arrosé des milliards de gallons de Roundup grâce à une prémisse économique et morale qui dicte que le maïs, c'est bien, les "mauvaises herbes" c'est mal. Mais pourtant, on ne peut s'empêcher de constater que cela n'arrête pas la nature de se réinventer.
Pour les plantes à feuilles de grande surface et les micro-organismes, le Roundup ne représente pas l'apocalypse. C'est tout simplement un défi modeste, temporaire, ce qui explique pourquoi 15 ans après l'introduction des récoltes qui tolèrent le Roundup, il ne fonctionne plus pour contrôler les nouvelles générations de "mauvaises herbes" qui peuvent maintenant survivre au Roundup, surtout dans les champs de coton. C'est parce que la recherche dans le laboratoire de la nature ne cesse jamais. La nature explore toutes les possibilités. Elle ne cherche jamais du financement. Elle n'est jamais découragée par des expériences qui n'ont pas réussi. Elle ne peut pas se faire acheter par des enveloppes brunes.
Pour régler le problème des herbes qui tolèrent le glyphosate, Dow Chemical espère introduire une variété de récolte qui survivrait des arrosages d'herbicide appelé 2,4D. Présenté aux fermiers pour la première fois en 1946, le 2,4D était une découverte miracle, un herbicide qui pouvait tuer seulement une certaine classe de plantes au lieu de tout détruire. C'est moins sécuritaire que le glyphosate, surtout parce qu'il est parfois contaminé avec des dioxines. Mais il ne détruit pas tout sur son passage, bien que l'un de ses ingrédients chimiques est le fameux Agent Orange, le défoliant utilisé durant la guerre au Vietnam. (La dioxine dans le Agent Orange vient d'un autre composé chimique appelé 2,4,5-T.)
Tout de même! C'est de la chimie de fond de cave, de toute manière! C'est comme vouloir faire l'élevage d'oiseaux qui pourraient tolérer le DDT. Et bien que le USDA (département de l'agriculture des É.-U.) n'a pas encore pris de décision pour approuver ou pas le soya de Dow qui tolèrerait le 2,4-D, le département a décidé d’accélérer le processus de révisé les dossiers des cultures génétiquement modifiées, surtout pour aider la lutte contre les "mauvaises herbes" qui tolère maintenant le glyphosate à cause de son épandage exagéré depuis la dernière décennie et demie. Selon les statistiques de Dow, les "superweeds", les herbes qui tolèrent maintenant l'herbicide, sont maintenant dans 60 millions d'acres cultivés selon les chiffres de l'an passé. Si tout va bien, selon la bureaucratie, bien sûr, c'est encore plus de fric pour les poches de Dow.
"Les fermiers ont besoin d'une technologie dès maintenant pour les aider à régler les problèmes de résistance des 'mauvaises herbes'", disait un porte-parole de Dow le mois passé. Cela veut seulement dire que les fermiers ont besoin de cette technologie maintenant pour les aider à régler des problèmes créés de toutes pièces par une technologie introduite il y a 15 ans de cela. Au lieu de faire des pressions auprès des fermiers pour qu'ils évitent l'uniformité et se dirigent vers une plus grande diversité, l'USDA les aide à refaire la même erreur encore plus rapidement. Quand une idée ne fonctionne pas, l'USDA semble penser que la façon de régler le problème, c'est d'introduire des idées rapidement qui ne fonctionneront pas pour la même raison. Et il semblerait que c'est toujours la même mauvaise idée: l'application uniforme d'un agent anti-biologique, que ce soit un pesticide sur une récolte ou un antibiotique dans un élevage intensif. Les résultats seront toujours les mêmes. La nature trouve un moyen pour la contourner, rapidement.
Voilà l'irrationalité de l'agriculture telle qu'elle est pratiquée ici aux États-Unis et maintenant partout sur la planète. Elle s'est faite une grosse idée, et ne lâchera jamais, parce qu'elle a tout investi dans cette grosse idée. Contre l'uniformité et l'abstraction, face à ces millions d'acres de récoltes génétiquement modifiées, la nature gagnera toujours. Mais gagnera-t-elle jamais contre l'uniformité et l'abstraction bien ancrés dans le cerveau humain? On en doute beaucoup.
The Folly of Big Agriculture:
Why Nature Always Wins
Large-scale industrial agriculture depends on engineering the land to ensure the absence of natural diversity. But as the recent emergence of herbicide-tolerant weeds on U.S. farms has shown, nature ultimately finds a way to subvert uniformity and assert itself.
by Verlyn Klinkenborg
In its short, shameless history, big agriculture has had only one big idea: uniformity. The obvious example is corn. The U.S. Department of Agriculture predicts that American farmers — big farmers — will plant 94 million acres of corn this year. That’s the equivalent of planting corn on every inch of Montana. To do that you’d have to make sure that every inch of Montana fell within corn-growing parameters. That would mean leveling the high spots, irrigating the dry spots, draining the wet spots, fertilizing the infertile spots, and so on. Corn is usually grown where the terrain is less rigorous than it is in Montana. But even in Iowa that has meant leveling, irrigating, draining, fertilizing, and, of course, spraying.
You can argue whether uniformity is the result of efficiency or vice versa. But let’s suppose that efficiency is merely the economic expression of uniformity. The point is this: When you see a Midwestern cornfield, you know you’re looking at nature with one idea superimposed upon it. This is far less confusing, less tangled in variation than the nature you find even in the roadside ditches beside a cornfield or in a last scrap of native prairie growing in a graveyard or along an abandoned railroad right-of-way. Nature is puzzling. Corn is stupefying.
Humans have spent a lot of time trying to figure out what the big idea behind nature is. It’s hard to tell, because we live at nature’s pace and within the orb of human abstraction. We barely notice the large-scale differences from year to year, much less the minute ones. But if we could speed up time a little and become a lot more perceptive, we would see that nature’s big idea is to try out life wherever and however it can be tried, which means everywhere and anyhow. The result — over time and at this instant — is diversity, complexity, particularity, and inventiveness to an extent our minds are almost unfitted to conceive.
A reasonable agriculture would do its best to emulate nature. Rather than change the earth to suit a crop — which is what we do with corn and soybeans and a handful of other agricultural commodities — it would diversify its crops to suit the earth. This is not going to happen in big agriculture, because big agriculture is irrational. It’s where we expose — at unimaginable expense — our failure to grasp how nature works. It’s where uniformity is always defeated eventually by diversity and where big agriculture’s ideas of diversity are revealed to be as uniform as ever.
To a uniform crop like corn, farmers have been encouraged to apply a uniform herbicide to kill weeds. Modern corn is genetically engineered to not be killed by the herbicide in ubiquitous use. Mostly, that herbicide has been glyphosate, marketed under the Monsanto trade name Roundup. Farmers have sprayed and over-sprayed billions of gallons of Roundup thanks to an economic and moral premise: corn good, weeds bad. And yet you can’t help noticing that it has done nothing to stop the endless inventiveness of nature.
To broadleaf weeds and soil microorganisms, Roundup is not the apocalypse. It is simply a modest, temporal challenge, which is why, 15 years after genetically-engineered, Roundup-tolerant crops were widely introduced, it’s no longer working against spontaneous new generations of Roundup-tolerant weeds, especially in cotton fields. This is because research, in nature’s laboratory, never stops. It explores every possibility. It never lacks funding. It is never demoralized by failed experiments. It cannot be lobbied.
To fix the problem of glyphosate-tolerant weeds, Dow Chemical is hoping to introduce crop varieties that will withstand being sprayed with an herbicide called 2,4-D. When it was first released to farmers in 1946, 2,4-D was a breakthrough — a herbicide that killed only certain kinds of plants instead of killing them all. It’s less safe than glyphosate, especially because it’s sometimes contaminated with dioxin. But it’s not an indiscriminate, lethal killer, despite the fact that it was one of the chemicals in Agent Orange, the notorious defoliant used during the Vietnam War. (The dioxin in Agent Orange came from another component chemical called 2,4,5-T.)
Still, this is backward-engineering of a sort, like trying to breed birds that will tolerate DDT. And while the USDA hasn’t decided whether to approve Dow’s 2,4-D-tolerant soybeans yet, it has decided to speed up the process of reviewing genetically-engineered crops, mainly to help deal with the spread of so-called superweeds caused by the nearly universal application of glyphosate for the last decade and a half. According to Dow’s numbers, superweeds affected some 60 million acres of crops last year. If things go right, bureaucratically, that is just so much cash in Dow’s pocket.
“Farmers need technology right now to help them with issues such as weed resistance,” a Dow official said last month. Translation? Farmers need technology right now to help them with issues created by right-now technology introduced 15 years ago. Instead of urging farmers away from uniformity and toward greater diversity, the USDA is helping them do the same old wrong thing faster. When an idea goes bad, the USDA seems to think, the way to fix it is to speed up the introduction of ideas that will go bad for exactly the same reason. And it’s always, somehow, the same bad idea: the uniform application of an anti-biological agent, whether it’s a pesticide in crops or an antibiotic on factory farms. The result is always the same. Nature finds a way around it, and quickly.
This is the irrationality of agriculture as it’s practiced in the United States and now all over the world. It has one big idea, and it will never give it up, because it has invested everything in that one big idea. Against uniformity and abstraction — embodied in millions of acres of genetically-modified crops — nature will always win. Whether it can ever win against the uniformity and abstraction embodied in the human brain is very much in doubt.
Link: http://e360.yale.edu/feature/the_folly_of_big_agriculture_why_nature_always_wins/2514/
Photo: reallyboring
Monday, May 28, 2012
Agriculture industrielle - la folie de travailler contre la nature
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