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"Tout cedit pays est fort uny, remply de forests, vignes & noyers. Aucuns Chrestiens n'estoient encores parvenus jusques en cedit lieu, que nous, qui eusmes assez de peine à monter le riviere à la rame. " Samuel de Champlain


"All this region is very level and full of forests, vines and butternut trees. No Christian has ever visited this land and we had all the misery of the world trying to paddle the river upstream." Samuel de Champlain

Saturday, January 11, 2014

Pétrole: pour un contre-manifeste

Photo: LaNouvelle.Net

Le texte de Bernard Landry, Monique Jérôme-Forget et cie n’est pas fondé sur une analyse rigoureuse, mais sur un sophisme

Dans Le Devoir du 10 janvier 2014 | texte de Marc Durand - Docteur, ingénieur en géologie appliquée, professeur retraité de l’UQAM | sous les Actualités économiques

Le texte « Manifeste pour tirer profit collectivement de notre pétrole » d’André Bisson, Bernard Landry, Joseph Facal, etc. propose quelques prémisses de nature économique, certaines vérifiables — dette du Québec, vieillissement de la population, etc. —, d’autres absolument non vérifiées et hautement spéculatives — « des milliards de barils seraient disponibles à l’Île d’Anticosti » — afin de lancer un appel en faveur de l’exploration/exploitation du pétrole au Québec.


Ce n’est pas là une analyse bien rigoureuse, car on y retrouve essentiellement le sophisme assez simpliste :


1. Le Québec a besoin d’argent (OK, rien à redire à ça) ;


2. Le pétrole génère de l’argent (dans des gisements rentables, pas automatiquement) ;


3. Le Québec dispose de pétrole (un peu vite en affaire ici !) ;


4. Ce pétrole va créer des retombées économiques majeures pour le Québec.


À l’appui de cette « démonstration », le manifeste a comme sources six références : 1 et 2 traitent de la dette du Québec ; 3, un texte sur le vieillissement de la population, une spécificité québécoise (ailleurs, on ne vieillit pas ?) ; 4 et 5, deux références sur le déficit de la balance commerciale ; finalement 6, un texte sur l’industrie pétrolière de l’Ohio, produit par deux auteurs fortement liés à cette industrie que le manifeste cite improprement comme « les autorités » de l’État : « En Ohio, pour une formation géologique similaire à celle de l’île d’Anticosti, les shales d’Utica, les autorités ont estimé… »


Or, ce texte de 2011 est écrit par:


l’Ohio Oil and Gas Energy Education Program. Or, sur oogeep.org, on peut lire que l’OOGEEP « est fondé, sur une base volontaire, par l’industrie du pétrole brut et du gaz naturel de l’Ohio en fonction d’une évaluation volontaire de la production de tout le pétrole brut et le gaz naturel produit dans l’Ohio. OOGEEP n’est pas une agence d’État » [traduction du Devoir].


… et un bureau privé de marketing : Kleinhenz Associates Ltd, Wealth Management.


On ne peut, à partir de cette source, confirmer l’existence de milliards de barils à Anticosti. On ne peut pas seulement parler de barils disponibles comme le font les auteurs du manifeste, sans aucune analyse des coûts. À la colonne des revenus, il faut ajouter la colonne des dépenses. Or à Anticosti, les coûts estimés dépassent de loin les revenus potentiels. Il y a peut-être 40 milliards de barils en place, mais comme au Dakota, c’est environ 1,2 % qui est peut-être récupérable par les puits. On récolterait donc à 100 $/baril un peu moins de 50 milliards, en supposant bien sûr que la totalité de l’île serait exploitée. Cela demanderait au minimum 12 000 puits d’extraction qui ont un coût unitaire de 10 millions chacun, ce qui donne des dépenses de 120 milliards. Personne ne va suivre les promoteurs avec ces estimations largement déficitaires. Personne n’investira 120 milliards pour espérer récupérer 50 milliards de production.


Hauts standards environnementaux


Le manifeste recommande que l’exploration et l’exploitation se fassent en fonction de hauts standards de protection de l’environnement. Il n’est même pas nécessaire d’en demander autant pour exclure la quasi-totalité de l’île d’Anticosti, car la structure géologique du gisement Macasty ne permet pas d’y fracturer le schiste en appliquant simplement les standards les plus ordinaires, notamment la norme de 1000 m entre le bas des nappes et le haut de l’extension de la fracturation hydraulique que l’industrie se vante de respecter aux États-Unis. Bien loin d’envisager de hauts standards, le ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs tente plutôt d’abaisser cette obligation à moins de 400 m dans une règle sur mesure pour contourner à Anticosti cet obstacle géologique.


Supposons (ce qui n’est pas le cas, mais admettons…) qu’il y ait d’immenses réserves de pétrole en Gaspésie par exemple, l’analyse rationnelle d’exploiter ou pas n’aurait rien à voir avec les prémisses du manifeste. Supposons a contrario que le Québec soit riche, sans dette, sans vieillissement de la population, etc. On prendrait aussi assurément la décision d’exploiter cette ressource indépendamment de toutes les raisons invoquées dans le manifeste ; mon petit neveu ado me dirait juste « ça n’a pas rap » ! Et il aurait raison. On pourrait aussi aligner les mêmes prémisses pour invoquer la nécessité d’exploiter n’importe quelle autre ressource (par ex. la forêt boréale). Ça n’aurait aussi « pas rap » avec les prémisses ; et on pourrait y accoler le même type de conclusion.


À la fin du manifeste, les auteurs écrivent : « Nous lançons un appel à l’ensemble des parties prenantes de la société pour qu’elles fournissent des informations vérifiées et qu’elles évitent d’entretenir ou de nourrir des craintes non justifiées uniquement pour contribuer à la défense de leur cause. » Fort bien ! Mais hélas, il faudra attendre encore un peu, car ce n’est certes pas leur document qui apporte des informations vérifiées !


Par conséquent, j’ajoute donc mon propre appel « à l’ensemble des parties prenantes de la société pour qu’elles fournissent des informations vérifiées et qu’elles évitent d’entretenir ou de nourrir des illusions économiques, basées sur des chiffres farfelus fournis essentiellement par des promoteurs pour contribuer à la défense d’intérêts financiers immédiats au détriment des générations qui suivront ».

Lien: http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/396905/petrole-pour-un-contre-manifeste

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Oil:For an Anti-Manifest

This is my translation of a opinion piece written by Marc Durand, Doctor-Engineer in Applied Geology, retired professor from UQAM university in Montreal, in reaction to a multi-party manifesto pushing the oil extraction in Quebec.

The text, titled "Manifeste pour tirer profit collectivement de notre pétrole" (manifest to profit collectively from our oil) signed by André Bisson, Bernard Landry, Joseph Facal and more, presents a few premises of economic nature, some of them verifiable, like Quebec's dept, aging population, etc..., others absolutely not verified and highly speculative, like "billions of barrels would be available from Anticosti Island", in order to call on the exploration and exploitation of oil in Quebec.

It is not a very rigorous analysis, because we find in it essentially the very simplistic sophism:

1. Quebec needs money (OK, that's true);

2. Oil generates money (in profitable deposits, not automatically);

3. Quebec has oil (that's going a bit too fast!);

4. This oil will have great economic spin-offs for Quebec.

To back up this "demonstration", the manifest has 6 reference sources: 1 and 2 are about Quebec's dept; 3 is a text about the aging population, something specific for Quebec (people don't age elsewhere?); 4 and 5 are two references about the commercial balance deficit; finally, 6 is a text coming from the oil industry of Ohio, written by 2 authors closely linked to the industry that the manifest mentions incorrectly as "authorities" of the state: "In Ohio, for a similar geological formation like the one of Anticosti Island, the Utica shales, the authorities estimated..."

But this text dated from 2011 is written by: the Ohio Oil and Gas Energy Education Program. On the oogeep.org site, one can find that the OOGEEP "is founded, on a voluntary basis, by the crude oil industry and natural gas of Ohio for a voluntary evaluation of the production of all crude oil and natural gas produced in Ohio. OOGEEP is not a State agency". (Translation done by the newspaper Le Devoir).


... and a private marketing office: Kleinhenz Associates Ltd, Wealth Management.

We cannot, based on this source, confirm the existence of billions of barrels in Anticosti. We cannot simply talk about available barrels like the authors of the manifest do, without any cost analysis. With the income column, one has to add a column for expenses. It so happens that for Anticosti, the estimated costs greatly surpass the potential earnings. There is maybe 40 billion barrels there, but like in Dakota, it's about 1.2% recoverable by well. There would then be at $100 per barrel a little less than 50 billion, assuming, of course, that the whole Island will be exploited. That would mean a minimum of 12,000 extraction wells that cost 10 million per well, which would bring the total expenses at 120 billion. Nobody will get on the bus with these big deficit estimates. Nobody will want to invest 120 billion to hope getting back 50 billion from the production.

High Environmental Standards

The manifest recommends that the exploration and exploitation be done using the highest standards of environmental protection. It is not even necessary to ask for so much to exclude almost the whole of Anticosti Island, because the geological structure of the Macasty formation does not allow for fracking the shale by respecting even the most ordinary standards, like the 1,000 meters between the base of the water table and the top of the extension of fracking that the industry does in the US and likes to boast about. Far from planning the highest standards, the Environment Ministry is rather trying to lower this obligation to less than 400 meters in a regulation made to fit Anticosti's geological obstacle.

Let's suppose (it is not reality, but let's just suppose...) that there is humongous reserves of oil in the Gaspésie, for example, the rational analysis to exploit or not would have nothing to do with the premises of the manifest. Let's suppose, on the contrary, that Quebec is rich, without any debt, without an aging population, etc. The decision would surely be taken anyway to exploit this resource, no matter all the reasons brought up by the manifest; my teen nephew would just say to me "has nothing to do with it"! And he would be right. One could also put together the same premises to invoke the necessity of exploiting any other resource (for example the Boreal forest). That too would "have nothing to do" with the premises; and one would get to the same conclusion.

At the end of the manifest, the authors write: "We call on all involved parties of society so that they supply all the verified information and so that they avoid keeping up or feed the unjustified fears that only contribute to defend their cause." Very well! But unfortunately, we will have to wait a bit, because it is certainly not their own document that bring forth the verified information!

So then, I summon out my own call "to all involved parties of society so that they supply verified information and that they avoid keeping up of feed economical illusions, based on silly numbers basically coming from the promoters to contribute to the defense of immediate financial interests to the detriment of future generations".

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