Photo: SNAP Québec
Les signataires d’un manifeste pro-pétrole se basent sur des faussetés, estime un expert du golfe du Saint-Laurent
Reportage publié dans Le Devoir du 13 janvier 2014 | Alexandre Shields
Lien: http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/397144/petrole-un-debat-mal-parti
Les partisans de l’exploitation pétrolière au Québec véhiculent des faussetés lorsqu’ils évoquent les revenus qui pourraient être générés par d’éventuelles ressources fossiles. En fait, il est loin d’être acquis que le sous-sol québécois renferme le moindre gisement d’or noir rentable. Et même si ce pétrole existe, on peut sérieusement douter de notre capacité à l’exploiter sans risques majeurs pour l’environnement, affirme le biologiste Sylvain Archambault.
Il critique d’ailleurs sévèrement les signataires du Manifeste pour tirer profit collectivement de notre pétrole, dont Bernard Landry, Joseph Facal et Monique Jérôme-Forget. « Le Manifeste demande un débat éclairé qui se base sur des faits, ce qui est une bonne idée. Mais je dirais que le débat est très mal parti. On fabule beaucoup, on se crée le fantasme que nous sommes assis sur une mine d’or noir, que c’est le Klondike et que nous allons devenir des cheikhs d’Amérique du Nord. C’est farfelu. »
« Nous devons miser sur les ressources pétrolières qui se trouvent en sol québécois, martèle le Manifeste publié la semaine dernière. Des milliards de barils de pétrole seraient disponibles à l’île d’Anticosti, à Old Harry et en Gaspésie. Le Québec aurait la chance d’avoir des réserves impressionnantes de pétrole. Ce ne sont pas tous les territoires qui ont une telle chance. »
Selon M. Archambault, cette affirmation est tout simplement « fausse ». Il estime aussi que l’ancien premier ministre péquiste se trompe lorsqu’il évoque la nécessité de permettre rapidement des forages exploratoires sur la structure de Old Harry, en plein coeur du golfe du Saint-Laurent. « Bernard Landry répète qu’il y a une urgence parce qu’il y a déjà des forages du côté de Terre-Neuve. C’est totalement faux, mais c’est un ancien premier ministre du Québec qui le dit. Ces affirmations créent un sentiment d’urgence basé sur des faussetés qui viennent biaiser le débat. »
Le cas Old Harry
C’est l’entreprise Corridor Resources qui détient les permis d’exploration pour cette zone, tant du côté du Québec que de Terre-Neuve. Aucun forage n’a jusqu’ici été mené, même si les permis ont été accordés il y a déjà plusieurs années. En fait, l’entreprise n’a jamais mené de forages exploratoires en milieu marin. Et pour le moment, aucune date n’est prévue pour le début des forages à Old Harry.
L’évaluation du potentiel de cette structure sous-marine — deux milliards de barils de pétrole — découle uniquement de relevés sismiques. « Même si les données sont très préliminaires, la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, parle déjà des milliards de dollars de revenus qui pourraient être générés. Ses propos frisent la démesure. Le potentiel est extrêmement hypothétique. Jusqu’à maintenant, pas une goutte de pétrole n’a été tirée d’Old Harry », souligne Sylvain Archambault, consultant pour la Société pour la nature et les parcs.
La ministre décrit par exemple la structure d’Old Harry comme un « gisement ». Or, pour qu’on puisse décrire cette zone ainsi, il faudra d’abord déterminer que le sous-sol y renferme une accumulation de pétrole ou de gaz naturel susceptible d’être exploitée.
La même prudence en ce qui a trait au potentiel en or noir québécois vaut pour les autres régions convoitées par les compagnies pétrolières, selon le biologiste. Aucune ressource pétrolière n’a jusqu’ici été découverte sur l’île d’Anticosti, malgré trois décennies d’exploration. Avant de céder ses permis à Pétrolia, Hydro-Québec Pétrole et gaz avait toutefois détecté la présence de pétrole. Mais il faudra attendre que Pétrolia et Junex mènent des forages horizontaux, avec fracturation, pour avoir une idée plus précise. Le potentiel de 40 milliards de barils demeure pour le moment théorique. Dans un texte publié dans Le Devoir la semaine dernière, l’ingénieur en géologie Marc Durand réitérait d’ailleurs ses doutes sur la rentabilité d’une exploitation qui permettrait d’extraire entre 1 % et 2 % de la ressource en place.
Du côté de la Gaspésie, le projet Haldimand est le seul qui s’approche de la phase d’exploitation. Pétrolia tente pour le moment d’obtenir l’autorisation de forer un nouveau puits qui pourrait permettre de confirmer un potentiel pétrolier à Gaspé. La ressource est évaluée pour le moment à 7,7 millions de barils, soit 23 jours de consommation québécoise.
Risques environnementaux
En plus de douter du potentiel en énergies fossiles du Québec, Sylvain Archambault estime que l’exploitation présente des risques qui sont pour le moment « peu pris en compte ». Il doute d’ailleurs fortement de la possibilité d’extraire du pétrole de façon « responsable » en milieu marin, contrairement à ce qu’affirment les auteurs du Manifeste publié la semaine dernière.
Il rappelle ainsi que le rapport d’évaluation environnementale stratégique sur le golfe recensait « plusieurs lacunes » dans l’état actuel des connaissances. Les carences concernent les technologies d’exploration et d’exploitation, les composantes des milieux physique, biologique et humain, de même que les « effets environnementaux potentiels des activités d’exploration et d’exploitation, ainsi que des déversements accidentels ».
M. Archambault rappelle en outre que la responsabilité financière des pétrolières en cas de déversement se limite à 30 millions de dollars. À titre de comparaison, quelque 5000 litres de mazout lourd se sont déversés dans la baie de Sept-Îles en septembre dernier à la suite d’une fuite dans un réservoir de la minière Cliffs Natural Resources. Les coûts de nettoyage de ce déversement qui équivaut à cinq tonnes de mazout dépassent les 20 millions de dollars, selon M. Archambault. « Les estacades installées rapidement, et disponibles sur place, n’ont pas suffi pour stopper le déversement, qui a débordé de la baie de Sept-Îles, ajoute-t-il. Et on parle d’un milieu beaucoup plus facile à contrôler qu’en plein coeur du golfe. »
Dans le cas de la marée noire provoquée par une plateforme de BP dans le golfe du Mexique, Sylvain Archambault rappelle que ce ne sont pas moins de 565 000 tonnes de pétrole qui se sont déversées dans la nature. Les frais de nettoyage et les indemnisations se chiffrent en milliards de dollars. Quant aux impacts environnementaux à long terme, ils restent à évaluer."
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Here is my translation of an article published in the newspaper Le Devoir written by Alexandre Shields.
Oil: a debate off to a very bad start
Those who have signed the manifest to push oil are based on falsehoods says this St. Lawrence Gulf expert.
The proponents of oil exploitation in Quebec repeat falsehoods when they say that revenues that could come from these eventual fossil fuels. In fact, it's far from certain that Quebec has any profitable oil to extract. And even if there is, one can seriously doubt that we can extract it without any major risks for the environment, says biologist Sylvain Archambault.
He seriously criticizes the signatories of the Manifest that pushes for a collective profit from oil, like Bernard Landry, Joseph Facal and Monique Jérôme-Forget. "The Manifest asks for an enlightened debate based on facts, which is a good idea. But I would say that the debate is off to a very bad start. There is a lot of fantasizing going on, there is this created fantasy that we are sitting on a black gold mine, that it is like the Klondike and we shall become North America's sheiks. That's silly."
"We should bet on oil resources found in Quebec soil, hammers the Manifest published last week. Billions of barrels of oil would be available on Anticosti Island, in Old Harry and in the Gaspésie Peninsula. Quebec would have the luck to have impressive reserves of oil. It is not all territories that have such luck."
As per Mr Archambault, this assertion is simply "false". He also estimates that the ex-PM PQ is wrong when he mentions the necessity to quickly allow exploratory drilling on Old Harry, in the heart of the Gulf of St. Lawrence. "Bernard Landry repeats that there is an urgency because there is already drilling on the Newfoundland side. That is completely false, but it's an ex-PM of Quebec that says so. These assertions create a feeling of urgency based on falsehoods that bias the debate. "
The case of Old Harry.
It is Corridor Resources that hold the exploratory permits for this zone, on the Quebec side and the Newfoundland side. No drilling has yet been done here, even if the permits have been given out many years ago. In fact, the company never did do any exploratory marine drilling. And for now, no date has been planned to start drilling at Old Harry.
The evaluation of the potential of this marine structure, two billion of barrels of oil, comes only from seismic readings. "Even if the data are very preliminary, Martine Ouellet, the Minister of Natural Resources, is already talking about billions of dollars in revenue that could be generated. Her words are almost outrageous. The potential is extremely hypothetical. Up to now, not one drop of oil came out of Old Harry", mentions Sylvain Archambault, consultant for the Canadian Parks and Wilderness Society (CPAWS) .
For example, the Minister describes the Old Harry structure like an "oil field". But, to be able to describe this zone like this, it would have to be first determined that the ground holds an accumulation of oil or natural gas susceptible of being exploited.
The same precaution for the potential of Quebec oil is applicable to the other regions coveted by the oil companies adds the biologist. No oil resource has yet been discovered on Anticosti Island, even though there has been some exploration there for three decades now. Before giving it's permits to Pétrolia, Hydro-Québec Pétrole et Gaz did detect the presence of oil. But one must wait for Pétrolia and Junex to do horizontal drillings with fracking, to have some better idea. The potential of 40 billion barrels is still theoretical for now. In a text published in the newspaper Le Devoir last week, the geological engineer Marc Durand reaffirmed his doubts on the return of an exploitation that would permit to extract between 1% and 2% of the existing resource.
On the Gaspésie side, the Haldimand project is the only one coming close to the exploitation phase. For now, Pétrolia tries to get the authorisation to drill a new well that would help confirm the oil potential at Gaspé. The resource is evaluated at 7,7 million of barrels right now, which would represent 23 days of Quebec's consumption.
Environmental risks.
On top of doubting the fossil fuel potential of Quebec, Sylvain Archambault estimates that the exploitation has risks that are "barely taken into account" right now. He also strongly doubts that the possibility of extracting oil in a "responsible" way in a marine context, contrary to what the Manifest authors say when it was published last week.
He recalls that the Strategic Environmental Assessment report on the Gulf found "many gaps" in what is known right now. The deficiencies about the exploration and exploitation technologies, the physical, biological and human components, and the "potential environmental effects of exploration and exploitation activities, and the accidental spills".
Mr Archambault also reminds us that the financial responsibility of the oil industry in case of a spill is limited to 30 million dollars. As a comparable, some 5,000 litres of heavy heating oil were spilled in the Sept-Îles Bay last September after a leak of a reservoir belonging to Cliffs Natural Resources. The cleaning costs of this spill alone, that is the equivalent of 5 tonnes of heavy oil, were over 20 million dollars, says Mr Archambault. "The booms that were put in quickly, and were already available on site, were not enough to stop the spill that reached the Bay of Sept-Îles, he adds. And this is a site that is much easier to control than the middle of the Gulf."
In the case of the black tide that came from an off-shore BP platform in the Gulf of Mexico, Sylvain Archambault points out that it is not less than 565,000 tons of oil that were spilled in the wilderness. The costs of the cleanup and compensations were in the billions of dollars. As for the environmental impacts on the long term, those are still to be evaluated."
Friday, January 17, 2014
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