Friends of the Richelieu. A river. A passion.



"Tout cedit pays est fort uny, remply de forests, vignes & noyers. Aucuns Chrestiens n'estoient encores parvenus jusques en cedit lieu, que nous, qui eusmes assez de peine à monter le riviere à la rame. " Samuel de Champlain


"All this region is very level and full of forests, vines and butternut trees. No Christian has ever visited this land and we had all the misery of the world trying to paddle the river upstream." Samuel de Champlain

Saturday, August 9, 2014

L'esclave pétrolier qu'est devenu l'Alberta

Photo: Larry Wong du Edmonton Journal

Je crois que le Québec fait une grave erreur en se lançant dans l'aventure pétrolière. Les projets pétroliers, gaziers et de pipelines fusent de toutes parts, et je pense qu'on s'y lance à l'aveuglette.

Si les Québécois veulent une bonne idée de ce qui nous attend si on va de l'avant, on n'a qu'à regarder ce qui se passe en Alberta. C'est pas joli.

Il est peut-être déjà trop tard pour le Québec, mais la bataille pour résister à l'appât des fossiles en vaut la chandelle. Je vous traduit ici une chronique d'opinion d'Andrew Nikiforuk qui explique très bien ce qui se passe là-bas, dans la province du pétrole.


Mais qu'est-ce qui a détrôné la Première Ministre de l'état pétrolier?

C'est peut-être impoli de le mentionner, mais l'Alberta doit voir au principal coupable

Parfois, la déchéance d'un leader politique peut en dire autant sur la géographie politique d'un endroit que sur le caractère du politicien.

L'un crée l'autre, après tout. Et la chute d'Alison Redford, une avocate millionnaire, en est un parfait exemple.

Son abus de fonds publics et sa sortie du monde politique non seulement reflètent l'état du Parti progressiste-conservateur (il a régné pendant 43 ans), mais elle symbolise fondamentalement ce qui afflige la démocratie en Alberta.

C'est une question inconfortable. Tout état pétrolier, incluant le Texas et la Russie, souffre d'une forme particulière de narcissisme: les exportateurs de pétrole pensent qu'ils sont bien mieux que tous les autres parce qu'ils sont assis sur un tas d'un produit qui est la plus lucrative au monde. Ce qui alimente une culture arrogante de droits que l'on prend pour acquis.

Le rapport du vérificateur général sur l'approche unique qu'a Redford pour ses comptes de dépenses de voyage devrait aussi être perçue comme un reproche à la culture politique de la province. Çà vaut la peine de reprendre la citation au complet:

"La Première Ministre Redford et son bureau ont utilisés les ressources publiques de façon inappropriée. Systématiquement, ils n'ont pas pu démontrer dans les documents que nous avons examinés que leurs dépenses de voyage étaient nécessaires et raisonnables et d'un usage approprié des ressources publiques - en d'autres mots, économiques et en accord avec les objectifs des affaires gouvernementales. La Première Ministre Redford a employé des avoirs publiques (avion) pour des usages personnels et partisans. Et la Première Ministre Redford était impliquée dans un projet pour convertir un espace publique dans un édifice public en un espace de vie personnel."

Comment en sommes-nous venus à un tel point?

"La réponse est que l'aura de pouvoir entourant la Première Ministre Redford et son bureau et la perception que l'influence de son bureau ne devraient pas être mises en doute. Nous avons observé une tendance à travailler autour ou ne pas tenir compte des règles pour répondre à des demandes venant du bureau de la Première Ministre de façon à éviter que la responsabilité de prendre des décisions lui revient."

Et d'où vient cette "aura du pouvoir"?

Une culture de droits pris pour acquis (entitlement)

Le vérificateur n'a pas mentionné le pétrole, parce que ce n'est pas poli de parler de l'influence corrosive des revenus des hydrocarbures dans une démocratie comme l'Alberta. Mais tous les Albertains savent que le pétrole et les pipelines paient les violons et choisissent la musique.

Quand 30% des revenus du gouvernement vient des activités de l'industrie la plus puissante au monde (les salaires des travailleurs pétroliers et gaziers sont les plus élevés au monde), les citoyens se transforment plus ou moins en bénéficiaires apathiques du bien-être pétrolier, parce qu'ils ne paient pas beaucoup de taxes.

Quand les pétrolières paient pour 30% des routes et des écoles de la province, plus de 60% de la population finit par ne plus aller voter. Quand les citoyens deviennent des sujets, ils ne se soucient plus de la représentation. Mais, tout comme Redford, ils apprennent vite comment épeler "entitlement", prendre des droits pour acquis.

La plupart des Albertains seraient d'accord pour dire que Redford a beaucoup mieux représenté les mineurs de bitume que gouverner pour les travailleurs ordinaires de l'Alberta. Ou les pauvres. Ou les Premières Nations. Apparemment, en Alberta, le pétrole a plus de droits que les gens, que l'eau ou que le caribou.

"L'aura du pouvoir" de l'industrie est maintenant si écrasante que Redford, entre des voyages au travers la planète, a pris le temps de nommer un lobbyiste pétrolier reconnu pour présider le Alberta Energy Regulator (un peu l'équivalent de la Régie de l'Énergie au Québec). Çà, c'est avoir du culot. Son gouvernement a aussi toute mention de règlementer pour "l'intérêt public" avec une nouvelle loi appelée Responsible Development Energy Development Act. Quel bel exemple de l'art de se donner des droits!

Sous Redford, le gouvernement a aussi déclaré qu'il ne voulait plus entendre parler des critiques du développement accéléré aux audiences publiques. En effet, l'ancienne Première Ministre a dit que c'était sa "prérogative" de déterminer qui la Reine pouvait entendre, même après un jugement de la cours rendu le 2013 ait décrit qu'un tel comportement de droits appropriés était une violation "des règles fondamentales de la justice."

Acheter le consensus politique

Les élites et les médias de l'Alberta, une culture du pétrole qui n'a pas de penchant pour l'introspection, n'ont pas lu les ouvrages de Terry Lynn Karl, scientifique politique de Stanford, parce qu'il n'ont pas atteint le fond du baril encore.

Mais personne ne comprend les états pétroliers mieux que Karl. Pendant 30 ans, elle a documenté la façon dont les revenus pétroliers empoisonnent les démocraties (Alberta), renforcement les autocraties (Russie), et répandent la contamination des droits de la vie publique.

"Les états pétroliers peuvent acheter le consensus politique," écrivait Karl dans un essai de 2007, parce que les revenus pétroliers "facilitent la cooptation des opposants potentiels ou les voix dissidentes."

Mais ce n'est pas tout. "Quand les besoins de base sont fournis par un état d'assistance sociale souvent généreux, en l'absence de taxation, en retour de très peu, si ce n'est que de la quiescence et de la loyauté, les populations on tendance à devenir politiquement inactives, relativement obéissantes, et loyales; et les niveaux de protestation restent faibles, du moins tant que l'état pétrolier peut livrer la marchandise."

Et puis pour de longues périodes de temps, 43 ans dans le cas de l'Alberta, "une combinaison de dépendance, de passivité, et de droits auto-appropriés sont les signes d'une culture politique d'exportateurs de pétrole."

Peut-être que le vérificateur général de l'Alberta pourrait s'attaquer à "l'aura du pouvoir", la prochaine fois.

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What Brought Down the Petrostate Premier?

It may be impolite, but there's one major culprit Alberta needs to address.


By Andrew Nikiforuk, published in TheTyee.ca

Sometimes the fall of a political leader can tell you as much about the political geography of a place as it does about the character of the politician.

One, after all, creates the other. And the demise of Alison Redford, a millionaire lawyer, is a case in point.

Her misuse of public funds and departure from politics not only mirrors the state of the Progressive Conservative party (it has ruled for 43 years), but reflects something fundamentally wrong with Alberta's democracy.

It's an uncomfortable point. Every petrostate, including Texas and Russia, suffers from an exclusive form of narcissism: oil exporters think they are better than everyone else because they are sitting on piles of the world's most lucrative commodity. In turn, that feeds an arrogant culture of entitlement.

The auditor general's report on Redford's unique approach to travel expenses should also be read as a rebuke of the province's political culture. It is worth citing in full.

"Premier Redford and her office used public resources inappropriately. They consistently failed to demonstrate in the documents we examined that their travel expenses were necessary and a reasonable and appropriate use of public resources -- in other words economical and in support of a government business objective. Premier Redford used public assets (aircraft) for personal and partisan purposes. And Premier Redford was involved in a plan to convert public space in a public building into personal living space."

How then did things get so bad?

"The answer is the aura of power around Premier Redford and her office and the perception that the influence of the office should not be questioned. We observed a tendency to work around or ignore rules in order to fulfill requests coming from the premier's office in ways that avoided leaving the premier with personal responsibility for decisions."

And where did that "aura of power" come from?

Entitlement culture

The auditor didn't mention oil, because it's not polite to talk about the corrosive influence of hydrocarbon revenue in a democracy like Alberta. But every Albertan knows that oil and pipelines pay the piper and call the tune.

When 30 per cent of a government's revenue stream comes from the activities of the world's most entitled industry (the salaries for oil and gas workers are the highest in the world), citizens pretty much turn into apathetic recipients of petroleum welfare, because they don't pay much in taxes.

When oil companies pay for 30 per cent of the province's roads and schools, more than 60 per cent of the population ultimately stops voting. When citizens become subjects, they don't worry about representation. But, like Redford, they quickly learn how to spell "entitlement."

Most Albertans would readily agree that Redford did a much better job of representing bitumen miners than she did governing for ordinary working Albertans. Or the poor. Or First Nations. Apparently, petroleum is entitled more than people, water and caribou in Alberta.

The industry's "aura of power" is now so overwhelming that Redford, in between her globetrotting, even appointed a known oil lobbyist to chair the Alberta Energy Regulator. That took some chutzpah. Her government also removed any mention of regulating in the "public interest" with a new Responsible Development Energy Development Act. How's that for entitlement?

Under Redford, the government also signalled that it no longer wanted to hear from the critics of rapid development at public hearings. Tellingly, the former premier said it was her "prerogative" to determine whom the Queen would listen to, even after a 2013 court ruling described such entitled behaviour as a breach of "the rules of fundamental justice."

No matter. Since the ruling, Redford's ill-fated government denied environmental groups and First Nations access to public hearings another nine times.

Buying political consensus

Alberta's elites and media, a petroleum culture not prone to introspection, haven't read Stanford political scientist Terry Lynn Karl, because they haven't reached the bottom yet.

But no one understands petrostates better than Karl. For 30 years, she has documented how petroleum revenues poison democracies (Alberta), strengthen autocracies (Russia), and spread the contamination of entitlement in public life.

"Oil states can buy political consensus," wrote Karl in a 2007 essay, because petroleum revenue "facilitates the co-optation of potential opponents or dissident voices."

But that's not all. "With basic needs met by an often generous welfare state, with the absence of taxation, and with little more than demands for quiescence and loyalty in return, populations tend to be politically inactive, relatively obedient and loyal and levels of protest remain low -- at least as long as the oil state can deliver."

And then for long periods of time, 43 years in Alberta's case, "an unusual combination of dependence, passivity and entitlement marks the political culture of petroleum exporters."

Maybe Alberta's auditor general could tackle that "aura of power" next. [Tyee]

Link: http://thetyee.ca/Opinion/2014/08/09/Bringing-Down-Petrostate-Premier/

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