Friends of the Richelieu. A river. A passion.



"Tout cedit pays est fort uny, remply de forests, vignes & noyers. Aucuns Chrestiens n'estoient encores parvenus jusques en cedit lieu, que nous, qui eusmes assez de peine à monter le riviere à la rame. " Samuel de Champlain


"All this region is very level and full of forests, vines and butternut trees. No Christian has ever visited this land and we had all the misery of the world trying to paddle the river upstream." Samuel de Champlain

Sunday, September 7, 2014

Cacouna - Les ingrédients de la controverse

photo: Lawrence Côté-Collins
Le port pétrolier que souhaite construire TransCanada doit s’avancer sur plus de 500 mètres dans les eaux du Saint-Laurent, à partir de la base du brise-lames qu’on aperçoit sur la droite de notre photo. L’entreprise compte également utiliser les terrains non développés situés au premier plan.

Publié dans Le Devoir le 6 septembre 2014 |Alexandre Shields

Avec le projet Énergie Est, TransCanada ambitionne de construire au Québec rien de moins que la plus importante infrastructure de transport et d’exportation de pétrole des sables bitumineux de l’histoire. Les travaux préparatoires de la multinationale albertaine ont d’ailleurs déjà débuté, même si aucune évaluation des impacts environnementaux n’a été entamée par les autorités gouvernementales. Les ingrédients de la controverse sont au rendez-vous.

Le village côtier de Cacouna, situé à l’est de Rivière-du-Loup, est tout ce qu’il y a de plus paisible, vivant au rythme de la villégiature et des exploitations agricoles familiales. Il est aussi bordé d’importantes zones naturelles protégées abritant des espèces menacées et se trouve au coeur d’un projet de zone de protection marine élaboré par le gouvernement pour préserver la riche biodiversité de la région.

Mais la quiétude des lieux sera chose du passé d’ici à peine trois ans si les plans de TransCanada se déroulent comme le prévoit ce gros joueur du secteur de l’énergie fossile. L’entreprise souhaite en effet y bâtir un port sans précédent dans l’histoire du Québec. Celui-ci servira uniquement à exporter du pétrole des sables bitumineux transporté par un pipeline lui aussi à construire.

Les plans présentés par la pétrolière albertaine sont déjà très précis. On parle d’un quai qui s’avancera dans les eaux du Saint-Laurent sur une longueur de plus de 500 mètres. Au bout de cette structure, deux pétroliers de plus de 250 mètres de longueur pourront s’amarrer en même temps et charger des dizaines de millions de litres de pétrole brut chacun. Ces navires transporteront en fait de deux à cinq fois plus de pétrole que la quantité déversée par l’Exxon Valdez en Alaska en 1989.

Comme l’ont fait valoir jusqu’ici les scientifiques qui étudient le béluga du Saint-Laurent, le port est une menace sérieuse pour l’espèce, puisqu’il sera construit en plein coeur d’un habitat absolument indispensable pour sa survie. Mais si ces mammifères menacés de disparition ont jusqu’ici constitué le coeur de la controverse autour du projet, les risques environnementaux ne se résument absolument pas aux baleines blanches.

Selon le comité de coordination du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent — situé tout près de Cacouna —, le trafic pétrolier qui en résultera est en soi une importante source de préoccupations. Il faut savoir que la navigation est particulièrement complexe dans l’estuaire, surtout en période hivernale. Or, la capacité d’intervention en cas de déversement d’hydrocarbures est totalement déficiente. Et de l’avis du spécialiste en écotoxicologie Émilien Pelletier, « il serait pour ainsi dire impossible d’envisager une opération de nettoyage en période hivernale ».

Qui plus est, les pétroliers déverseront inévitablement des quantités massives d’eaux de ballast en arrivant au port, tout près de milieux humides protégés par la législation provinciale ou fédérale. Or, ces eaux servant à assurer la stabilité des navires peuvent contenir des espèces invasives, en plus d’être « contaminées », selon M. Pelletier, professeur à l’Institut des sciences de la mer de Rimouski. Aucune évaluation des risques environnementaux liés à ces eaux n’a jusqu’ici été menée, même si les travaux pour le port ont déjà débuté.

En plus du port, TransCanada entend bâtir un site de stockage de brut à Cacouna comprenant une douzaine de réservoirs. De quoi se doter d’une capacité d’accueil suffisante pour le quelque 1,1 million de barils de pétrole qui seront acheminés chaque jour jusqu’à ce village du Bas-Saint-Laurent. Et le ministre de l’Environnement David Heurtel a beau affirmer que le gouvernement mandatera le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement pour étudier le port et le pipeline, la pétrolière a déjà clairement indiqué que la décision d’autoriser la construction de son pipeline revient uniquement à Ottawa.

Source de division

Cacouna n’était pas le premier choix de l’entreprise albertaine. Elle souhaitait implanter son port dans la région de Québec. Mais la municipalité de Lévis a dit non au projet.

La construction d’une telle infrastructure suscite aussi la division à Cacouna, comme a pu le constater Le Devoir au cours des derniers jours. De nombreux résidants ont installé devant chez eux des affiches du mouvement « Coule pas chez nous », qui s’oppose au projet Énergie Est. Plusieurs citoyens rencontrés se sont aussi dits inquiets. Ils se sentent surtout seuls quant à un projet qui se discute déjà dans les coulisses du pouvoir, tandis que le gouvernement de Philippe Couillard et celui de Stephen Harper ne cachent pas leur préjugé très favorable. TransCanada a pour sa part 23 lobbyistes inscrits au registre québécois, la plupart pour des mandats directement liés à la future infrastructure industrielle.

Mais dans la région de Cacouna, on se souvient aussi du projet avorté de construction d’un port méthanier destiné à importer du gaz naturel. Le projet, développé lui aussi par TransCanada, avait été approuvé par le gouvernement Charest, qui n’avait alors prévu aucune mesure de protection des bélugas. Mais le port n’a jamais été construit, en raison du boom du gaz de schiste en Amérique. À Cacouna, on estime que la même situation pourrait donc se reproduire cette fois.

La situation est toutefois totalement différente cette fois-ci. L’industrie pétrolière albertaine connaît une croissance importante de sa production, en raison de l’exploitation des sables bitumineux. Elle doit même doubler d’ici la fin de la décennie, pour atteindre au moins trois millions de barils par jour. Et la hausse doit se poursuivre dans les décennies à venir. Soutenues par le gouvernement canadien, les pétrolières cherchent donc très activement des moyens d’exporter cette énergie fossile.

Avec le projet Keystone XL (lui aussi de TransCanada) bloqué du côté américain et avec Northern Gateway toujours très incertain vers la côte ouest, le Québec est tout simplement la voie la plus « naturelle » pour mettre en marché cet or noir, pour employer une expression de Raymond Chrétien. L’avenir devrait lui donner raison. Lorsque le nouveau pipeline sera en activité et que la ligne 9B opérée par Enbridge amènera du pétrole jusqu’à Montréal, pas moins de 1,4 million de barils de brut de l’Ouest couleront chaque jour vers le Québec. La province deviendra ainsi, et ce pour tout le siècle à venir, la plus importante plaque tournante de la production pétrolière albertaine.

Pétrolière active

On comprend pourquoi TransCanada, qui a déposé en mars une description détaillée d’Énergie Est à l’Office national de l’énergie, mise autant sur le Québec. La pétrolière a d’ailleurs recruté Philippe Cannon comme porte-parole francophone. M. Cannon a été candidat du Parti libéral du Québec dans la circonscription deTaschereau en 2007, avant d’agir comme attaché de presse pour Line Beauchamp lorsqu’elle était ministre de l’Environnement du Québec.0

En parallèle du lobbying auprès du gouvernement libéral en place à Québec, Le Devoir a appris que la multinationale doit rencontrer la semaine prochaine à Montréal des élus régionaux représentant notamment des municipalités où doit passer le pipeline Énergie Est. La mairesse de Cacouna devrait être présente.

TransCanada a également montré des signes d’intérêt quant à l’acquisition des installations déjà existantes du port de Cacouna. Quant aux forages prévus à Cacouna, en plein coeur de l’unique lieu de reproduction du béluga, ils doivent débuter au cours des prochains jours. La juge Claudine Roy, de la Cour supérieure, a en effet rejeté lundi la requête déposée par des groupes environnementaux afin de bloquer le début de ces travaux. Les groupes soutenaient que le gouvernement du Québec a fait fi de la science et de son devoir de protection de l’environnement en autorisant TransCanada à mener des forages. Ceux-ci doivent s’échelonner sur une période continue de 95 jours, à raison de cinq heures par jour.

Selon la juge, il est tout simplement « alarmiste » d’affirmer, comme le font les spécialistes des bélugas, que les forages pourraient imposer à cette population « un préjudice irréparable » en accélérant le déclin de l’espèce. La Cour estime en contrepartie que « le retard dans les travaux » serait de nature à causer « un préjudice économique » à TransCanada, une entreprise dont le chiffre d’affaires avoisine les 10 milliards de dollars.

Lien: http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/417781/cacouna-les-ingredients-de-la-controverse

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Cacouna, all the ingredients of a controversy

My translation of article published in one of the last independent newspapers in Quebec.

About the photo above: the oil harbor TransCanada wants to build is to jut forward more than 500 meters out on the St. Lawrence River, starting at the base of the breakwater in the photo at right. The company also wants to occupy the free land in the foreground.

With its Energy Est project, TransCanada plans to build the greatest transportation infrastructure for the oil coming from the tarsands meant for exportation in history. The multi-national Alberta company has already started the preparation work, event if no assessment of environmental impacts has started by the government authorities. The ingredients of a controversy are all here.

The riverside community of Cacouna, just East of Rivière-du-Loup, is very peaceful, living in sync with the rhythm of tourism and family farming. It is also surrounded by important wildlife protected zones, habitat for endangered species and right in the heart of a protected marine zone project planned by the government to keep the rich biodiversity of the region.

But peaceful existence will be but a memory three years from now if TransCanada plans go ahead like they plan: they are a big player in the fossil fuel energy sector. Indeed, the company wishes to build a harbor the likes of which has never been seen before in Quebec. It will used only to export the oil production coming out of the tarsands moved by a pipeline that also has to be built.

Plans presented by the Alberta company are already very clear. They include a dock that will jut forward in the St. Lawrence River for more than 500 meters. At the end of this structure, two oil tankers of more than 250 meters long could moor at the same time and load up with tens of thousands of liters of oil each. These ships will transport two to five times more oil than the quantity of oil spilled by the Exxon Valdez in Alaska back in 1989.

Scientists that study the Beluga of the St. Lawrence have been saying that the harbor is a serious threat for the species because it will be built in the heart of a habitat absolutely indispensable for its survival. But if these endangered mammals have up to now been at the heart of the controversy of this project, the environmental risks are not limited at all to the white whales.

As per the coordination committee of the marine park of Saguenay-Saint-Laurent near Cacouan, the oil traffic that will come with this project is in itself a reason to be worried. Knowing that navigating here is particularly complex in the estuary, especially in the wintertime. But the capacity of intervening in case of a hydrocarbon spill is totally deficient. And as per the opinion of the specialist in eco-toxicology Émilien Pelletier, "it would be practically impossible to think of a cleaning operation during the winter season".

Plus, the oil tankers will inevitably pour massive quantities of ballast waters when arriving at the harbor, near protected wetlands by provincial or federal legislation. These (ballast) waters that serve to insure the stability of ships can contain invasive species, besides being "contaminated", says Mr Pelletier, professor at the Oceans Science Institute in Rimouski. No environmental risks assessment on these ballast waters has been done yet, even if the work on the harbor has already started.

On top of the port, TransCanada intends to build a storage site for crude in Cacouna, including a dozen tanks. Enough to store some 1,1 million barrels of oil that will be sent every day to this Bas-Saint-Laurent village. And David Heurtel, Minister of the Environment, can assure that the government will mandate a provincial environmental public hearings body to study the harbor and the pipeline, the oil company has already made clear that the decision to authorize construction of its pipeline is up to Ottawa only.

Source of division

Cacouna was not first choice for the Alberta company. It wanted to build its harbor in the Quebec region. But the municipality of Lévis said no to the project.

The construction of such infrastructure also brings division in Cacouna, as Le Devoir could see during the last few days. Many residents put signs in front of their property repeating the opposition movement's saying "Coule pas chez nous", don't spill here, to object to the Energy East project. Many citizens we met also said they were worried. They feel alone, isolated from a project that is already under discussion between the powers that be, while the governments of Philippe Couillard and Stephen Harper don't hide their prejudice in favor of this project. TransCanada lists 23 lobbyists in the Quebec registry, most of them having mandates directly tied to the future industrial structure.

But in the Cacouna region, one also recalls the aborted project to build a LNG harbor to export natural gas. This project, also TransCanada's, had been approved by the Charest government that had no protection measures for the Belugas. But that harbor was never built because of the shale gas boom in America. In Cacouna, some think that the same thing could happen again.

But things are completely different this time. Alberta's tarsand industry is progressing rapidly, increasing its production. It could even double by the end of the decade, to reach at least three million barrels a day. And the increase could go on during the future decades. Helped by the Canadian government, oil companies are actively looking for ways to export this fossil fuel.

With the Keystone XL project, also TransCanada's, not going anywhere fast on the American side and Northern Gateway still uncertain on the West coast, Quebec is simply the most "natural" way to put that black oil on the market. When the new pipeline will come online and the Enbridge 9B line will bring oil to Montreal, no less than 1,4 million of barrels of crude coming from the West will flow every day towards Quebec. Thus the province will become for the whole century to come the most important nerve center for Alberta's oil production.

Active oil company

It's easy to understand why TransCanada, having presented in March a detailed description of Energy Est to the National Energy Board, is betting so heavily on Quebec. The company did hire Philippe Cannon as its French speaking spokesperson. Mr Cannon was a Quebec Liberal candidate in Taschereau back in 2007, before being press secretary for Line Beauchamp when she was Quebec's Environment Minister.

On top of its lobbying the Liberal government of Quebec, Le Devoir has learned that the multinational oil company should meet next week in Montreal regional elected officials representing municipalities where the Energy East pipeline should go through. The Mayor of Cacouna should be there.

TransCanada has also showed signs of interest to acquire already existing installations of the Cacouna harbor. As for the drilling planned in Cacouna, right in the heart of the only reproduction site of the Beluga, it should start during the next few days. Judge Claudine Roy of the Superior Court has indeed rejected Monday the request presented by environmental groups trying to stop the beginning of the drilling. The groups maintained that the Quebec government did not take into account the science and its duty of care of the environment by authorizing TransCanada to do the drilling. It should go on for 95 days, 5 hours a day.

As per the judge, it is simply "alarmist" to claim, like the Beluga specialists say, that the drilling could impose to this population "a irreparable prejudice" by accelerating the decline of the species. The Court does rule that "the delay in the work" would cause "an economical prejudice" for TransCanada, a company with business figures near the 10 billion dollars.

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