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"Tout cedit pays est fort uny, remply de forests, vignes & noyers. Aucuns Chrestiens n'estoient encores parvenus jusques en cedit lieu, que nous, qui eusmes assez de peine à monter le riviere à la rame. " Samuel de Champlain


"All this region is very level and full of forests, vines and butternut trees. No Christian has ever visited this land and we had all the misery of the world trying to paddle the river upstream." Samuel de Champlain

Tuesday, January 11, 2011

Gaz de schiste - l'étude du Munk (2)

Photo: Alberta Energy Utilities Board

Ben Parfitt est un chercheur de Victoria, en Colombie-Britannique, et est l'auteur du rapport "Fracture Lines: Will Canada's Water be Protected in the Rush to Develop Shale Gas?" - Lignes de fractures, est-ce que l'eau du Canada sera protégée dans la ruée pour exploiter le gaz de schiste? - , rédigé pour le programme "Program on Water Issues" pour Munk School of Global Affairs à l'université de Toronto. Le document porte la date du 15 septembre 2010.

Voici la 2e partie d'une traduction libre de son rapport que l'on trouve en format pdf de 62 pages au lien suivant: http://www.ledevoir.com/documents/pdf/etudegazdeschiste.pdf

Le chaos non-linéaire du fracking

Toute révolution technique, par contre, a sa part de risques: la révolution du fracking est l'une de celles-là. Bien que les vidéos informatifs de l'industrie laisse entrevoir quelques-uns de ces risques, ils évitent de décrire la complexité de ce qui se passe quand le roc à de grandes profondeurs et de grandes pressions est fracturé. C'est pourquoi les experts comme Anthony Ingraffea les comparent à des "dessins animés". Ingraffea est un prof d'ingénierie civile et environnementale à l'université Cornell et est un membre du Cornell Fracture Group qui crée, vérifie et valide les simulations par ordinateur utilisées dans les systèmes complexes où la fracturation hydraulique a lieu.

Pendant des années, Ingraffea a conçu des modèles numériques et des équipements de simulation pour Schlumberger, l'une des principales compagnies qui font du fracking. Ce travail consistait à obtenir de gros morceaux de grès déterrés, percer des trous dans les spécimens de grès, insérer des tuyeaux de production dans les trous forés, remplir les espaces entre les trous et les tuyaux avec du béton, prendre un canon pour perfore des trous dans le tuyau, le béton et le roc, fracturer le roc avec de l'eau teintée de rouge pour ensuite briser le roc pour observer ce qui s'était passé.

Avec les années, Ingraffea apprit que c'est difficile de trouver du shale qui n'est pas déjà craqué. Les craquelures, finalement, sont exactement ce que les compagnies dont leur mission est de fracturer le roc recherchent, puisque cela demande moins d'énergie pour ouvrir la roche. Quand les formations de shale sont fracturées, la pression ouvre de nouveaux passages qui peuvent ultimement rejoindre et agrandir des fêlures qui existaient déjà dans le roc. Il en résulte, selon Ingraffea un "chaos non-linéaire" ou plus d'un groupe de joints. "Aussitôt que le fluide s'inflitrent dans les craquelures que vous avez créé et rejoin un système de joints qui était là depuis des années, les joints s'ouvrent de façons imprévisibles." selon Ingraffea. Plus il y a de joints qui ouvrent et connectent, plus le gaz peut s'échapper.

Le chaos a ses bons côtés, mais peut aussi avoir ses risques. Dans certaines formations, le shale se charactérise par des craquelures verticales. Inigraffea dit que beaucoup de shale dans la formation Marcellus sous l'état de New York, de la Pennsylvanie et de la Virginie Occidentale est composé de roc interconnecté, en blocs, avec des joints qui courent verticalement, pas horizontalement. Est-ce que fracturer cette roche pourrait laisser les contaminants migrer vers le haut? Voilà une question que l'on pose beaucoup à Ingraffea.

"Puisque le shale qui contient des gaz de schiste est habituellement sur-pressurisé, et puisque le procédé de fracturation augmente la pression dans la masse rocheuse pour une courte période de temps, cela est possible que la fracturation ouvre un passage vers le haut vers l'eau douce." répond Ingraffea. "Ce n'est pas vrai de dire que des milles pieds de roc imperméable" entre la formation de shale qui est fracturée et des endroits plus haut empêche que cela puisse arriver, une opinion partagée avec d'autres experts. Qu'un tel évènement soit probable est une autre question. Quand et où le fracking se produit, la densité du roc et les fêlures pré-existantes seront tous parmis les facteurs déterminant si cela arrive. Pour cette raison, nos connaissances géologiques solides des failles géologiques dans les formations visées pour la fracturation hydraulique sont un pré-requis avant que de telles opérations s'effectuent.

Un autre facteur important qui influence la circulation du gaz et les autres contaminants qui pourraient migrer dans un puits est la façon que l'annulus (l'espace entre le mur du puits et le coffrage) est scellé. Dans les vidéos informatifs, l'industrie décrie les trous de forage en lignes uniformes, nettes et d'une épaisseur constante. Mais c'est rarement le cas dans la vraie vie, à cause des bosses et imperfections dans les trous de forage causés par les différentes formations géologiques, les densités variables du roc, et des fautes naturelles. Quand un tel trou de forage est cimenté, c'est concevable qu'au moins une partie sera mal scellée.

De plus, à cause des longueurs verticales et horizontales de certains puits de gaz de schiste, pas tous les puits forés dans les États-Unis sont cimentés du haut jusqu'au bas du puits. Et quand des puits forés sont très longs, il pourrait y avoir des problèmes dans l'ouvrage de ciment.

Les endroits potentiels de fuites dans les puits scellés au ciment

Il y a plusieurs raisons pour lesquels les puits scellés au ciment pourraient être imparfaits selon un rapport daté de 2009 écrit par 3 agences des États-Unis, dont le Groundwater Protection Council. "Dans des puits très profonds, la circulation du ciment est plus difficile à accomplir. Le cimentage doit être manipulé en plusieurs stages, ce qui peut occasionner un cimentage imparfait ou des dommages au coffrage si ce n'est pas fait correctement.

Les imperfections dans le cimentage augmentent le risque que des poches d'air et un annulus pas bien scellé. Il en résultera une infracstructure du puits fautive et des risques de fuites, parfois spectaculaires. Par exemple, dans une lettre du US House Committee on Energy and Commerce envoyée au chef du British Petroleum après l'explosion d'un puits dans le Golfe du Mexique et les fuites subséquentes de pétrole et de gas du fond de l'eau, le comité a passé un commentaire sur les faiblesses apparentes dans la conception des puits. En autre, on pointait des signes précurseurs d'un cimentage imparfait et le manque de contrôle de l'intégrité du cimentage.

Les compagnies comme Schlumberger possèdent des technologies sophistiquées pour savoir si l'annulus d'un trou de forage est complètement scellé. Mais faire de tels tests est très onéreux et ne sont pas toujours faits.

Une autre source d'inquiétude avec la fracturation hydraulique est l'addition des impacts avec le temps. Comme on le mentionne dans un mémo du BC Oil and Gas Commission (OGC) daté du mois de mai 2010, les fracturations hydrauliques qui se font les unes près des autres peuvent, et parfois provoquent des évènements de contamination imprévues. La recommandation de la commission est à la suite d'un évènement dans le Montney Basin, la zone la plus au sud des grandes zones de gaz de schiste de la province.

Pendant la fracturation hydraulique, un coup dur, ou une communication s'est faite dans un autre puits à 670 mètres de là. Le sable pompé dans le sol pendant le fracking d'un puits s'est retrouvé dans un autre. Dans le mémo, le OGC a rapporté qu'il était au courant d'au moins 18 incidents de communication de fracturations en C.-B. et un dans l'ouest de l'Alberta. Les distances parcourues de ces communications entre des puits sont espacées de 50 à 715 mètres. On continue la description du "large kick" que je traduis par "coup dur" comme étant une pénétration non voulue d'eau, de gaz, de pétrole ou d'autres fluides dans un puits foré qui est contrôlé et qui circule. Cela arrive quand les fluides sont poussés par une pression qui est plus grande que la pression excercé sur ces fluides par la colonne du puits foré. Si les fluides ne sont pas contrôlés, un "blowout", une explosion peut se produire.

Parce que les formations géologiques et les aquifères souterrains sont physiquement complexes, cela est difficile de prévoir ce qui peut se produire pendant des fracturations hydrauliques successives. Mais comme les conseils du OGC suggèrent, il peut se produire des évènements de communication (communication events) qui causeraient des incidents de contamination imprévues et indésirables.

L'une des manifestations les plus spectaculaires de tels évènements, illustée dernièrement dans les films documentaires comme Gasland, sont la contamination de l'eau potable à un point tel que le méthane contenu dans l'eau peut prendre feu à la sortie des robinets de cuisine. Les séquences de tournage d'eau potable qui prend feu ont un effet choc que certains hydrologistes comme Donald Siegel de l'université de Syracuse déplorent parce que le méthane peut venir de sources naturelles de surface et viendrait de la décomposition de matières organiques, ou pourrait venir de sources plus profondes de nature thermogéniques.

Mais pour le spectateur qui est témoin de tels évènements, de telles distinctions ont peu d'importance. Dans un des cas décrit dans Gasland, le méthane pourrait venir de matières organiques de surface en décomposition qui s'est infiltré dans l'eau qui sort du robinet à de telles concentrations qu'elle devient inflammable.

Ou peut-être pas. En 2008, une analyse isotopique du méthane dans des puits d'eau potable du Colorado a dévoilé que dans la plupart des cas le méthane était thermogénique d'origine. Geoffrey Thyne, un hydrologiste et auteur du sommaire et de la conclusion du rapport, a ajouté que les résultats ont conclu que la source était pétrolifère, pas du méthane naturel de surface.

Judith Jordan, une hydrologiste qui a déjà travaillé avec DuPont et comme avocat our le département de la protection de l'environnement de la Pennsylvanie a réagit à ce rapport en disant que c'était très peu probable que ce méthane ait migré le long des passages naturels et se serait retrouvé par hasard dans les puits d'eau potable privés en même temps que l'exploitation pétrolière et gazière ait commencé, après avoir demeuré sous terre pendant 65 millions d'années. Autrement dit, c'est hautement probable que la fracturation ait provoqué la contamination au méthane des puits d'eau potable domestiques.

Certains experts avancent que le fracking peut même contaminer les puits d'eau potable avec du méthane de sources biogéniques de surface. C'est bien clair qu'il y a des impacts cumulatifs associés avec le fracking. Malgré cela, même dans les régions où l'exploitation du gaz naturel conventionnel se fait depuis des décennies et que la fracturation hydraulique prend de l'ampleur, les législateurs semblent mal outillés pour encadrer et mitiger de tels impacts. Le vérificateur général de la Colombie-Britannique a passé la remarque dernièrement que le mandat de l'OGC incluait l'attente qu'elle faisait la promotion d'un environnement sain. Nous avons constaté que bien que l'OGC ait soutenu le dévelopement de certains outils et méthodologies pour évaluer les effets cumulatifs, il n'y a pas encore de programme provincial formel en place pour aider à gérer les effets environnementaux des exploitations terrestres.

Devant ce constat, l'OGC et le ministère de l'environnement de la C.-B. subissent des pressions croissantes de l'industrie pour augmenter les puits de gaz de schiste. Des pressions semblables seront bientôt ressenties par les législateurs des autres provinces canadiennes car l'industrie veut développer la ressource qu'elle insiste être pour notre sécurité énergétique et un pont environnementalement convivial vers une économie réduite en émissions de carbone.

L'argument de la sécurité énergétique

Aux États-Unis et au Canada, la sécurité énergétique continentale est souvent associée à l'usage croissant des ressources énergétiques domestiques dont le gaz naturel. Souvent, de telles affirmations viennent avec un autre objectif qui pourrait être appelé "sécurité énergétique verte".

La coalition "The Energy Future Coalition", dont le comité de pilotage compte comme membres des ex sénateurs et membres du congrès des É.-U., des diplomates, des membres séniors des administrations présidentielles américaines passées, des scientifiques connus et des chefs d'organismes environnementaux, de fondations et de compagnies argumente cette affirmation. En août 2009, cette coalition a co-publié un papier argumentaire avec le Center for American Progress qui fait la promotion d'usage accru de gaz naturel et d'autres sources faibles en émissions de carbone tou en procurant de la protection supplémentaire pour le climat et les communautés.

L'argumentaire de la coalition est séduisante: on suggère qu'il y a une réserve généreuse d'énergie propre et verte à notre portée et qu'elle est un pont essentiel vers un avenir plus propre et plus vert. La coalition n'est pas la première à faire remarquer l'abondance supposée de gaz naturel. En 2005, Mark Jaccard, un prof au Simon Fraser University's School of Environmental Management et un membre du Intergovernmental Panel on Climate Change mentionnait que l'abondance des combustibles fossiles et du gaz naturel en particulier voulait certainement dire qu'on continuerait à les utiliser pendant plusieurs générations encore.

Pour en arriver à cette conclusion, Jaccard a étudié les réserves de gaz naturel conventionnel et non conventionnel et a fait une projection totale de cette ressource. Le terme "reserve" réfère à des sources dont ont a fait la preuve qu'elles existent et sont économiquement et techniquement possibles à extraire, tandis que "ressource" est un terme employé pour des sources d'énergie potentiellement disponibles mais dont on n'a pas fait la preuve qu'elles existaient pour les exploitations futures. Jaccard estimait que les réserves de gaz non conventionnel globales sont environ le double des sources conventionnelles. Il a alors calculé qu'ensemble les réserves de gaz conventionnel et non conventionnel totalisaient 15,000 exajoules (un exajoule ou EJ équivaut à 172 millions de barils de pétrole), et a estimé les ressources totales en gaz totalisaient 49,500 EJ ( ou trois fois le montant des réserves en gaz). En se fiant à ces chiffres, Jaccard a calculé que çà prendrait 160 années pour épuiser toutes les réserves mondiales en gaz naturel si la consommation se maintenait au rythme actuel, et 520 ans pour épuiser les ressources combinées, grâce en partie au gaz de schiste.

Depuis ce temps-là, les experts en ingénierie des gaz de shale comme Roberto Aguilera du University of Calgary ont évalué que le gaz extrait des formations de shale au Canada et aux États-Unis vont fondamentalement transformer le paysage énergétique. "L'industrie découvre de nouvelles façons d'exploiter la ressource de gaz naturel Nord Américain qui est simplement gigantesque." a affirmé Aguilera en 2009. "En ajoutant les fractures hydrauliques aux réservoirs déjà naturellement micro-fracturés nous mènera au monstre que nous recherchons aujourd'hui avec les puits horizontaux et domineront ainsi le paysage nord-américain pour les prochaines décennies".

Les promoteurs de gaz naturel, par contre, ne sont pas sans leurs critiques qui remarquent que ce soit possible que les réserves en gaz naturel sont beaucoup moindres que l'on prétend.

La suite de la traduction libre du rapport Munk sera dans une entrée de blog bientôt.

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