Une brève histoire de notre dépendance mortelle aux engrais azotésPendant que des enquêteurs et des premiers répondants se promènent sur le site d'une usine d'engrais en ruine à West, au Texas, cela me fait penser à la nature même de l'engrais azoté, et pourquoi nous en consommons tant.
Ma traduction libre d'un texte écrit par Tom Philpott publié dans Mother Jones
L'azote est l'un des éléments nutritifs dont les plantes ont besoin pour croître. Chaque pomme ou épi de blé d'Inde récolté représente des nutriments extraits du sol, et pour que la terre demeure fertile, ces nutriments doivent être remplacés. L'azote est très abondant: il compose presque 80% de l'air que nous respirons. Mais l'azote atmosphérique (N2) est captif avec un lien très rigide qui le rend inutilisable par les plantes. L'azote disponible pour les plantes, connu sous le nom de nitrate, est en réalité très rare, et durant l'histoire de plus de 10,000 ans de l'agriculture, le défi le plus important était de trouver un moyen de faire circuler l'azote disponible pour qu'il retourne à la terre. Les premiers fermiers ne connaissait peut-être pas la chimie, mais ils savaient que composter les déchets de la récolte, le fumier des animaux, et même les excréments humains, tout cela améliorait les récoltes.
Mais alors, pour résumer, les scientifiques du 19e siècle de l'Europe ont compris le rôle primordial de l'azote dans la croissance des plantes, justement au moment où la révolution industrielle voyait les populations quitter les fermes et s'installer dans des villes. L'élite européenne s'est rendue compte que nourrir une population urbaine à la hausse avec une main d'oeuvre rurale à la baisse deviendrait un problème, et que l'azote à peu de frais et facile à obtenir serait une partie de la solution. Alors la fixation de l'azote, la capacité d'en extraire de l'air et le transformer en quelque chose que les plantes pourraient utiliser, devint une...fixation. En 1909, un chimiste allemand du nom de Fritz Haber avait développé un procédé à haute température exigeant une grande dépense d'énergie pour synthétiser de l'azote accessible pour les plantes extrait de l'air. C'est alors que le dilemme millénaire de l'agriculture qu'est le problème du cycle de l'azote avait été résolu. Aujourd'hui, les fermes de tailles industrielles ne seraient pas possibles sans cela.
Bien sûr, l'agriculture n'était pas la seule raison pour laquelle l'Allemagne et les autres pays d'Europe voulaient produire des tonnes d'azote. Comme nous venons de le constater au Texas, la matière peut aussi produire des explosions massives. Avant de jouer un si grand rôle dans les champs agricoles, la découverte de Harper a alimenter l'industrie des munitions des É.-U. et de l'Europe, surtout durant la Deuxième Grande Guerre. Ce cette façon, l'industrialisation de l'agriculture partage ses débuts avec l'industrialisation des tueries représentées par les guerres des temps modernes.
Les usines d'engrais d'aujourd'hui, selon Vaclav Smil dans son livre sur les engrais azotés intitulé "Enriching the Earth" dépendent d'une version améliorée et à grande échelle du même procédé développé par Haber.
À la fin de la Deuxième Grande Guerre, les États-Unis avaient déjà construit 10 usines à grande échelle d'azote pour fabriquer des bombes. Avec les installations de l'Europe et du Japon en ruines, les É.-U. ont commencé la période suivant les guerres mondiales en tant que champion global de la production d'azote. L'industrie s'est rapidement transformé de munitions à engrais et la consommation domestique s'est mise à augmenter, poussée, selon Smil, par la culture croissante des nouveaux hybrides de maïs: "la première sorte de cultivar de graminée à grande production dépendante d'épandages intensifs d'engrais".
Maintenant, les É.-U. demeurent un pays grand consommateur d'azote avec seulement 5% de la population mondiale, les Américains consomment environ 12% de la production d'engrais azotée mondial. Et le maïs, qui selon l'USA exige le plus d'azote par acre que n'importe quelle autre récolte, demeure au coeur de notre agriculture, occupant 30% des terres agricoles à tous les ans.
Bien que notre dépendance à l'engrais azotée à rabais ne provoque rarement des explosions impressionnantes, les vrais problèmes sont plus subtiles et à long terme. Dans un papier récent, je les détaillais ainsi:
La dépendance de l'agriculture industrialisée sur l'abondance d'engrais de synthèse vient avec un paquet de problèmes environnementaux: le surplus d'azote qui ruisselle dans les ruisseaux et éventuellement se rend jusqu'au fleuve Mississippi, alimentant ainsi des floraisons massives d'algues annuellement qui étouffent la vie marine, les émissions d'oxyde nitreux, un gaz à effet de serre 300 fois plus nuisible que le carbone, et la destruction de la matière organique du sol.
J'ai aussi mentionné dans cet article que l'industrie des engrais américaine dépend de plus en plus du gaz naturel à bas prix extrait par fracturation hydraulique, le procédé controversé utilisé pour extraire le gaz des formations rocheuses en les bombardant d'eau relevée de produits chimiques toxiques. "Si l'agriculture intensive devient dépendante du gaz de schiste à rabais pour répondre à ses besoins d'engrais," je vous avais prévenu, "alors l'industrie des combustibles fossiles aura alors un allié puissant pour bousculer la règlementation et combattre l'opposition aux projets de fracturations."
Notre avenir ne doit pas obligatoirement être submergé de vastes quantités d'azote synthétique, avec tous ses problèmes, à la fois subtils et spectaculaires. Une étude d'une université de l'Iowa en 2012 avait démontré qu'en simplement cultiver plusieurs récoltes en rotation, les fermiers du MidWest américain pourraient radicalement réduire leur dépendance à l'azote rajoutée tout en maintenant les niveaux actuels de production de nourriture. Une autre étude récente faite par des chercheurs de Cornell ont aussi confirmé que les rotations de cultures réduisaient le ruissellement d'azote.
Pourtant, au lieu de nous sevrer de notre dépendance sérieuse à l'azote, les agences fédérales et des états continuent de permettre la construction de nouvelles usines et l'agrandissement de celles qui existent déjà. Entre-temps, les politiques fédérales en agriculture et les politiques de sources d'énergie renouvelables continuent de faire la promotion du maïs: en 2013, le USDA s'attend à ce que les fermiers en sèment plus que jamais, du jamais vu depuis 1936. Il devrait se semer 97,3 millions d'acres qui recouvriront une surface presque égale à la Californie au complet. On ne semble pas pressés à se sevrer de notre dépendance à l'azote.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
"A Brief History of Our Deadly Addiction to Nitrogen Fertilizer
by Tom Philpott
As investigators and rescuers move through a destroyed fertilizer factory in West, Texas, it makes me think about just what nitrogen fertilizer is, and why we use so much of it.
Nitrogen is one of the nutrient elements plants need to grow. Every apple or ear of corn plucked represents nutrients pulled from soil, and for land to remain productive, those nutrients must be replenished. Nitrogen is extremely plentiful—it makes up nearly 80 percent of the air we breathe. But atmospheric nitrogen (N2) is joined together in an extremely tight bond that makes it unusable by plants. Plant-available nitrogen, known as nitrate, is actually scarce, and for most of agriculture's 10,000-year-old history, the main challenge was figuring out how to cycle usable nitrogen back into the soil. Farmers of yore might not have known the chemistry, but they knew that composting crop waste, animal manure, and even human waste led to better harvests.
But then, to make a long and complicated story short, in the 19th century European scientists figured out the science behind nitrogen's central role in plant growth, just as the industrial revolution was pushing more people off of farms and into cities. European elites realized that feeding a growing urban population from a shrinking rural labor base would be a problem—and that cheap and easy nitrate would be part of the solution. So the "fixation" of nitrogen—the ability pull it from the air and transform it into something that plants could use—became, well, a fixation. In 1909, a German chemist named Fritz Haber developed a high-temperature, energy-intensive process to synthesize plant-available nitrate from air. And so agriculture's millennia-old nitrogen-cycling problem was solved. Today's industrial-scale farms would not be possible without it.
Of course, agriculture wasn't the only reason Germany and other European countries wanted to generate tons of nitrate. As we just tragically saw in Texas, the stuff can also make a massive explosion. Before it made it onto farm fields in a big way, Haber's breakthrough fueled the US and European munitions industry, particularly in World War II. In that way, the industrialization of farming shares roots with the industrialization of killing represented by modern war.
Today's fertilizer plants, reports Vaclav Smil in his seminal book on nitrogen fertilizer, Enriching the Earth, rely on a scaled-up, refined version of the same process developed by Haber.
By the end of World War II, the United States had built 10 large-scale nitrate factories to make bombs. With Europe's and Japan's production facilities in ruins, the US entered the postwar period as the undisputed global champion of nitrogen production. The industry quickly shifted from munitions to fertilizer and domestic consumption began to skyrocket, driven, Smil writes, by the rise of new hybrid strains of corn, "the first kind of high-yielding grain cultivar dependent on higher fertilizer applications."
Today, the United States remains a massive nitrogen-fertilizer user; with just 5 percent of the world's population, we consume about 12 percent of global nitrogen-fertilizer production. And corn—which according to the USDA "requires the most nitrogen per acre" of any crop—remains at the center of our agriculture, covering 30 percent of farmland each year.
While our reliance on cheap nitrogen fertilizer occasionally (though quite rarely) results in attention-grabbing explosions, the real problems are more subtle and long-term. In a recent article, I laid them out:
Industrial agriculture's reliance on plentiful synthetic nitrogen brings with it a whole bevy of environmental liabilities: excess nitrogen that seeps into streams and eventually into the Mississippi River, feeding a massive annual algae bloom that blots out sea life; emissions of nitrous oxide, a greenhouse gas 300 times more potent than carbon; and the destruction of organic matter in soil.
As I also noted in that article, the US fertilizer industry increasingly relies on cheap natural gas extracted by hydrofracturing, or fracking—the controversial process of extracting gas from rock formations by bombarding them with water spiked with toxic chemicals. "If Big Ag becomes hooked on cheap fracked gas to meet its fertilizer needs," I warned, "then the fossil fuel industry will have gained a powerful ally in its effort to steamroll regulation and fight back opposition to fracking projects."
Our future doesn't have to be drenched in vast quantities of synthetic nitrogen, with all its liabilities both subtle and spectacular. A 2012 Iowa State University study found that by simply shifting to more diverse crop rotations, Midwestern farmers could radically reduce their reliance on added nitrogen while maintaining current levels of overall food production. Another recent study by Cornell researchers found similar crop rotations also reduced nitrogen runoff.
Yet instead of weaning us from from our huge reliance on nitrogen, federal and state agencies are underwriting the construction of new plants and the expansion of old ones. Meanwhile, federal farm and "renewable fuel" policies continue to prop up corn—in 2013, the USDA expects farmers to plant the most since 1936: 97.3 million acres, covering an area nearly the size of California. We won't be kicking our nitrogen habit anytime soon."
Link: http://www.motherjones.com/tom-philpott/2013/04/history-nitrogen-fertilizer-ammonium-nitrate
No comments:
Post a Comment