La planète ne manque pas de connaissances pour se bâtir un avenir qui a assez d'eau, mais il manque de volonté politique.
Ma traduction libre d'un texte de Stan Cox, un scientifique du groupe The Land Institute à Salina, au Kansas.
Le droit à l'eau et à l'hygiène publique est reconnu par loi internationale, mais on laisse souvent aux communautés locales le soin d'assurer que tous jouissent de ce droit. Et un village dans le désert de Thar dans la partie ouest de l'Inde a été mis sur la sellette par le quotidien The Hindu pour son système de rationnement de l'eau exemplaire:
"Dans le village Kalyanpur de Barmer, l'un des districts les plus secs et stériles du Rajasthan, les villageois ont trouvé une solution à leurs problèmes d'eau en rationnant l'eau. Il n'y a pas de conflits durant la distribution de l'eau, pas de querelles dans les lignes d'attente, et personne ne tente de voler la part d'eau des autres...le puits du village est une bénédiction dans la région asséchée pour son eau qui est douce et fine, sans fluore ou d'autres contaminations...Un comité de travail a établi les règlements après avoir évalué les besoins des 1,100 familles de Kalyanpur, selon Loon Chand, le secrétaire du comité. Le puits a été construit grâce à la participation du public et le système de rationnement est aussi géré avec succès par le comité."
Chaque part de chaque famille est d'environ 4,000 litres par mois. C'est juste assez d'eau pour les besoins de base d'une famille de 4 ou 5 selon les normes internationales, mais les gens de Kalyanpur ne pourrait en consommer davantage sans tarir leur seul puits. Alors ils s'arrangent pour que çà fonctionne.
Entre-temps, à 900 kilomètres de là dans la grande ville de Mumbai, les résidents d'un quartier pauvre connu sous le nom de Kadam Chawl ont développé leur propre système de rationnement de l'eau de style urbain. Parce que leur seul robinet municipal est disponible de 20 à 30 minutes tous les soirs, les résidents de Chawl ont imaginé un système de rationnement très bien chorégraphié durant lequel toutes les femmes et tous les hommes se réunissent au robinet, 365 soirs par semaine, pour remplir et transporter rapidement une panoplie de pots et de contenants vers toutes les résidences.
Quand l'eau se fait plus rare, que ce soit dans les régions au sud ou au nord, le rationnement survient. L'expérience et la recherche ont démontré que demander des réductions volontaires de consommation n'a que très peu d'effet, et augmenter les prix pour réduire la demande est cruel et s'implante difficilement. Au contraire, des règlements obligatoire pour la consommation restreinte mais équitable tend à renforcer un sentiment de cause partagée en temps de pénurie.
L'efficacité ou équité
Dans plusieurs villes au travers la planète, les sources d'eau potable résidentielles sont restreintes de façon routinière pendant certaines heures de la journée. Mais depuis un an, il y a eu une résurgence d'urgences globales en rationnement de l'eau devant une rareté soudaine et extraordinaire. Dans un groupe varié de pays, dont la République Dominicaine, le Venezuela, l'Australie, le Kenya, le Ghana, la Tanzanie, le Zimbabwe, l'Afrique du Sud, l'Inde, le Pakistan, la Chine, le Taïwan, la Malaisie et les Philippines, plusieurs plans variés de rationnement ont été mis en vigueur. Le rationnement est devenu encore plus nécessaire dans des régions normalement humides et vertes, surtout en Grande Bretagne, en Irlande et en Nouvelle-Zélande.
Mais le rationnement ne peut pas aider quand la source d'eau potable d'une communauté est tout à fait inadéquate. C'est le cas de plusieurs régions pauvres de Mumbai et d'autres villes où des membres d'une famille doit marcher plusieurs kilomètres pour acheter de l'eau dans des enveloppes d'un litre de contrebandiers. Ces clients payent de 5 à 10 fois le prix que paient les familles de classe moyenne ou plus affluentes pour leur eau acheminée par aqueduc. C'est facile de lever le nez à ces contrebandiers, mais ils se défendraient en disant, et on pourrait leur donner raison, qu'ils mettent en application des principes du marché libre en répondant aux besoins du marché.
N'importe quel économiste peut vous démontrer comment la méthode la plus efficace pour installer des infrastructures pour l'eau, sous laquelle le premier litre par semaine ou par mois est la plus dispendieuse et les coûts vont à la baisse lorsque la consommation augmente. Çà, bien sûr, pénalise les familles à faibles revenus et récompense la consommation exagérée. Donc, plusieurs municipalités comme Durban ou Las Vegas ont inversé le principe d'établir les coûts: sous un système qu'on appelle des tarifs en bloc, chaque maison a un droit mensuel à un bloc initial gratuit ou très peu dispendieux, et les prix augmentent substantiellement pour chaque bloc subséquent.
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Mais il y aura toujours un gouffre géant entre ce que çà coûte pour fournir de l'eau municipale et ce que les urbains peuvent se permettre pour l'acheter. Même des prix plus équitables ne peuvent pas garantir le droit à l'eau quand le système doit se financer lui-même avec les tarifs ou même faire un profit s'il est privatisé. La situation s'aggrave quand la consommation luxueuse est permise dans les régions affluentes tandis que d'autres régions souffrent d'un service inadéquat. Traiter l'eau comme une commodité du marché mène inévitablement à des conflits.
Aller à la source
Un gros 86% de toute la consommation d'eau douce mondiale va à la production de la nourriture, des fibres et d'autres produits agricoles, et 9% va à la production industrielle. Bien qu'un petit 5% va pour l'usage domestique, ce sont les sources domestiques qui souffrent le plus de pénuries, ressenties immédiatement et intensément par la majorité des gens. Souvent, le rationnement est nécessaire.
Dans plusieurs cas, l'élément déclencheur pour le rationnement a été beaucoup plus complexe qu'une sécheresse sévère ou une densité de population élevée. Grâce aux émissions de GES, les climats locaux deviennent de plus en plus imprévisibles. Les pénuries sévères qui ont frappé Dublin à la fin de mars peuvent trouver leur débuts dans les périodes récentes de températures froides en Europe qui ont fait éclater les tuyaux à cause du gel et provoqué des fuites partout dans les systèmes d'aqueducs municipaux. Plus tôt ce mois-ci, du rationnement de l'eau dans des villes du nord et du sud de Taïwan, une politique rendue nécessaire à cause d'une baisse alarmante des niveaux dans les réservoirs, ont coïncidé avec des pluies abondantes qui ont provoqué des inondations et des glissements de terrain près du centre de l'île.
Au-delà des dérangements climatiques, une variété beaucoup vaste d'évènements et de conditions peuvent déranger l'accessibilité à l'eau. Une croissance économique dans Pune, en Inde, et un développement industriel accéléré à Moshi, en Tanzanie, crée un besoin de rationner l'eau dans ces villes. L'extraction du gaz naturel par fracturation hydraulique exige des quantités énormes d'eau, et cela entre en compétition avec les besoins plus pressants dans des régions du Texas, un endroit où le rationnement sévère de l'eau est déjà en place depuis plusieurs années. Le barrage Three Gorges Dam sur la rivière Yangze en Chine a augmenté l'accès à l'eau dans certaines régions, mais cela a obligé d'autres régions, des villes en aval, à rationner l'eau. Le Pakistan, par manque d'eau, a des préoccupations similaires vis-à-vis les projets de l'Inde pour continuer à construire des barrages en amont sur la rivière Indus et d'autres cours d'eau.
Laissé à ses propres moyens, la Cisjordanie en Palestine aurait amplement d'eau grâce aux sources renouvelables d'eau souterraine; toutefois, l'extraction intense des ressources en eau d’Israël, son voisin, des aquifères de la Cisjordanie et des frontières de Gaza, ainsi que l'interdiction pour les Palestiniens de forer des puits, a créé une pénurie artificielle qui rend le rationnement sévère nécessaire dans les villes des territoires occupés. L’Israël prend cette eau pour maintenir sa consommation intense de sa population (équivalente à celle de l'Australie ou du Danemark) tandis que la ration moyenne journalière d'un résident de la Cisjordanie n'est que de 50 litres, et plusieurs ne reçoivent que 20 litres, très près du minimum requis pour survivre.
Les rumeurs de conflits mondiaux à cause de la ressource en eau se prolonge depuis plusieurs années. Mais c'est souvent le conflit en soi, l'état contre l'état, classe sociale contre classe sociale, et de plus en plus, l'humanité contre la nature, qui peut provoquer au début une pénurie d'eau. La seule solution à long terme est de résoudre de tels conflits, pour assurer que chaque communauté a une source d'eau adéquate. Mais même à cela, comme dans le village Kalyanpur, la ressource peut ne pas être abondante, et le rationnement peut s'avérer nécessaire, mais pas par capacité de payer.
Si nous ne pouvons pas gérer la conservation et le partage de l'eau de façon équitable, il y a peu de chances que nous réussirons de gérer les autres ressources de façon équitable. Assurer le droit à l'eau est, ou du moins devrait être, moins compliqué et controversé que d'assurer le droit à disons, l'énergie, ou la nourriture, ou aux soins de santé. Comme Maude Barlow concluait dans son livre de 2007 intitulé "Blue Covenant: The Global Water Crisis and the Coming Battle for the Right to Water" (Convention bleue" - La crise mondiale de l'eau et bientôt la bataille du droit à l'eau): "Si jamais il fut un bon moment pour planifier la conservation et la justice pour l'eau pour gérer les crises de pénurie et inégalité de l'eau, on y est arrivé. Le monde ne manque pas de connaissances pour construire un avenir sans inquiétudes pour l'eau: c'est la volonté politique qui n'y est pas."
Le livre de Stan Cox intitulé "Any Way You Slice It: The Past, Present, and Future of Rationing", sera publié bientôt par la maison d'édition The New Press.
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" Rationing water in a thirstier world
The world does not lack the knowledge about how to build a water-secure future - but "lacks the political will".
Stan Cox
Stan Cox is a senior scientist at The Land Institute in Salina, Kansas, US
The right to water and sanitation is recognised in international law, but it is often left up to each local community's initiative to secure that right. And a village in the Thar Desert of western India has recently been singled out by The Hindu newspaper for its exemplary water rationing system:
In Kalyanpur village of Barmer, one of the most parched and barren districts of Rajasthan, the villagers have found a solution to their water woes in water rationing. There are no fights over water distribution, no quarrels over breaking the queues or attempts at snatching other people's share of water… [the village's well] is a blessing in the barren zone for its water is very sweet and light, devoid of fluoride or other contaminations … [A steering committee has] laid down rules after assessing needs of the 1,100 families in Kalyanpur, said Loon Chand, secretary of the committee. The [well] was constructed through public participation and the water rationing system also is being run successfully by the committee.
Each family's share is about 4,000 litres per month. That is barely enough water to sustain a family of four or five according to international standards, but the people of Kalyanpur could not consume more than that without depleting their one well. So they are making it work.
Meanwhile, 900 kilometres away in the megacity of Mumbai, residents of a slum known as Kadam Chawl have developed their own urban-style water rationing system. Because their single municipal tap runs for only 20-30 minutes each evening, the chawl's residents have devised a well-choreographed rationing system in which all women and men gather at the tap 365 evenings a year to fill and quickly haul numerous large water pots to all homes.
When water becomes scarce, whether in the global South or North, rationing happens. Experience and research have shown that urging voluntary reductions in consumption is of little value, while raising prices to reduce demand is cruel and unworkable. In contrast, mandatory rules for restrained but equitable water consumption tend to foster a sense of common purpose in the face of scarcity.
Efficiency against fairness
In many cities around the globe, residential water supplies are routinely restricted to certain hours of the day. But the past year has seen a global outbreak of emergency water rationing in the face of sudden, extraordinary scarcity. In a diverse group of countries, including the Dominican Republic, Venezuela, Australia, Kenya, Ghana, Tanzania, Zimbabwe, South Africa, India, Pakistan, China, Taiwan, Malaysia and the Philippines, a wide variety of rationing plans have had to be put into practice. Rationing has even become necessary in normally moist, green places, most prominently the United Kingdom, Ireland and New Zealand.
But rationing cannot help when the community water supply is wholly inadequate. That is the case in many slum areas of Mumbai and other cities, where family members must trek several kilometres to purchase water from bootleggers by the one-litre plastic pouch. Those customers pay five to 10 times the price that middle-class or affluent families pay for their piped-in water. We may find those bootleggers contemptible, but in their own defence they would argue, correctly, that they are putting free-market principles into practice, simply responding to signals from the market.
Any economist can show you how the most efficient method of allocating water works out to be "marginal cost pricing", under which the first litre per week or month is the most expensive and the cost falls as consumption rises. That, of course, penalises low-income households and rewards heavy consumption. Therefore, many municipalities, from Durban to Las Vegas, have turned marginal cost pricing on its head. Under what are called increasing block tariffsystems, each household has a monthly right to an initial "block" of that is free or very cheap, with the price escalating sharply for subsequent blocks.
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But there will always be a wide gap between what it costs to provide municipal water and what many urban dwellers can afford to pay for it. Even fairer pricing cannot guarantee the right to water when the system is expected to fund itself fully through fees or even to turn a profit if privatised. The situation is aggravated when lavish consumption is permitted in affluent areas while other areas suffer inadequate service. Treating water as a market commodity almost inevitably leads to conflict.
Going to the source
A whopping 86 percent of the world's total fresh water consumption is accounted for by production of food, fibre and other agricultural products, and 9 percent is attributable to industrial production. Although a scant 5 percent of the footprint is residential water use, it is in the domestic supply where shortages are felt most immediately and most intensely by the majority of people. Often, rationing is necessary.
In many situations, the trigger for rationing has been much more complex than chronic drought or high population density. Thanks to greenhouse emissions, local climates are becoming increasingly fickle. The severe shortages that hit Dublin in late March can be traced to Europe's recent stretch of frigid weather, which froze pipes and caused leaks throughout the municipal water system. Early this month, water rationing in cities of northern and southern Taiwan - a policy made necessary by alarming drops in reservoir levels - coincided with heavy rains that cause flooding and landslides near the centre of the island.
Beyond climate disruption, a much wider variety of events and conditions can disrupt the flow. Headlong economic growth in Pune, India, and rapid industrial development in Moshi, Tanzania, are creating a need for water rationing in those cities. Mining of natural gas through hydraulic fracturing requires huge quantities of water, and it is competing with more immediate needs in the Midland-Odessa region of Texas - a place where strict water rationing has already been in place for years. The Three Gorges Dam on China's Yangtze River has boosted water supplies in some areas, but it has forced other, downstream towns and cities to ration. Water-stressed Pakistan has similar concerns about India's plans to continue building dams upstream on the Indus and other rivers.
Left alone, Palestine's West Bank would have ample reserves of renewable groundwater; however, neighbouring Israel's heavy extraction of water resources from lower western edge of the West Bank's massive aquifer and from the northern and eastern borders of Gaza - along with its policy of forbidding well-drilling by Palestinians - has created an artificial scarcity that makes tight rationing necessary in the cities and villages of the occupied territories. Israel uses that pilfered water to maintain its high per-capita water consumption (which equals that of Australia or Denmark), while the average West Bank resident's daily ration is only 50 litres per day, and many get by on barely 20 - perilously close to the minimum supply required simply for bare survival.
Talk of looming worldwide conflict over water resources has been going on for years. But it is often conflict itself - state versus state, class versus class, and, increasingly, humanity versus nature - that triggers water scarcity in the first place. The only long-term solution is to resolve such conflicts, to ensure that every community has an adequate water supply. But even then, as in Kalyanpur village, resources may not be bountiful, and rationing by some means other than ability-to-pay will be necessary.
If we cannot manage to conserve and share water fairly, there is little chance that we will manage share other resources fairly. Enforcing the right to water is, or at least should be, less complex and contentious than ensuring rights to, say, energy, food, or medical care. As Maude Barlow concluded in her 2007 book Blue Covenant: The Global Water Crisis and the Coming Battle for the Right to Water, "If ever there was a time for a plan of conservation and water justice to deal with the twin water crises of scarcity and inequity, now is that time. The world does not lack the knowledge about how to build a water-secure future; it lacks the political will."
Stan Cox's book Any Way You Slice It: The Past, Present, and Future of Rationing, will be published by The New Press."
Link: http://www.aljazeera.com/indepth/opinion/2013/05/201352111015642145.html
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