Texte de Michel R. Saint-Pierre
L'auteur a été sous-ministre de l'Agriculture, des pêcheries et de l'alimentation de 1994 à 1998 et est l'auteur du Rapport Saint-Pierre sur les programmes de soutien à l'agriculture.
"Une "politique" agricole pour l'UPA
Soyons clair dès le départ: ladite politique de souveraineté alimentaire rendue publique la semaine dernière par le ministre François Gendron n'est pas une politique et n'en a aucunement les caractéristiques essentielles.
Cet exercice aux allures sympathiques pour le non-initié, ne fera que maintenir le statu quo. L'agriculture du Québec continuera d'être au bord de la crise et les contribuables de la supporter financièrement comme nulle part ailleurs en Amérique du Nord.
Une véritable politique procède d'une analyse rigoureuse de la situation suivie d'objectifs d'amélioration et de moyens pour les atteindre.
Or cette annonce se situe quelque part entre une campagne de publicité de produits agricoles québécois (du même ordre que celle de 2008 Mettez le Québec dans votre assiette) et un ensemble de mesures visant des objectifs assez disparates comme empêcher nos terres d'être achetées par des étrangers, ce qui n'a jamais été qu'un phénomène marginal, et aider la relève à acquérir la ferme de leurs parents alors qu'ils sont déjà les mieux soutenus dans le monde à cet égard.
Une vraie politique s'attaquerait aux vrais problèmes, et ils sont connus. La commission Pronovost, dans un rapport exhaustif rendu public en février 2008, a largement fait le tour de la question après avoir entendu 762 témoignages et reçu 720 mémoires sur la question dans une tournée du Québec qui a duré près de deux ans.
En résumé, le constat est le suivant: notre agriculture, bien que mieux soutenue financièrement par les deniers publics que toute autre en Amérique du Nord, est plus endettée, moins efficace et extrêmement fragile face à tout changement dans son environnement, que l'on parle d'accords commerciaux, de taux d'intérêt ou de programmes de soutien.
Bien sûr, notre agriculture compte aussi de très bons producteurs dans tous les secteurs. Des agriculteurs bons gestionnaires, peu endettés et dont le niveau technique les classe parmi l'élite mondiale. Mais on parle peu de ceux-ci car d'une part, ils ne se plaignent pas et d'autre part, leurs performances ne font que mettre en relief l'énorme écart qu'ils ont creusé avec le reste du peloton.
Mais alors, pourquoi l'UPA a-t-elle célébré cette soi-disant politique alors que pour tous les autres intervenants concernés la réaction a été soit mitigée, soit tiède ou même négative?
C'est tout simplement que cette annonce, en se présentant comme une politique, évite soigneusement d'aborder les vrais problèmes de l'agriculture québécoise dont fait partie l'UPA par son contrôle lourd et peu innovant de la mise en marché, par son refus historique de faire évoluer les programmes gouvernementaux et par son monopole sur la pensée collective en agriculture.
En présentant cet ensemble de mesures sympathiques pour le grand public comme une politique avec un grand P, l'UPA est certaine qu'il n'y en aura pas d'autres à moyen terme et que sa position monopolistique ne sera pas menacée avant longtemps. C'est son objectif premier, on l'a vu lors de la sortie du rapport Pronovost.
Quant à l'agriculture québécoise et encore davantage celle des régions moins favorisées, nous pouvons être certains que dans ces conditions, elle demeurera fragile et continuera de reposer en bonne partie pour sa survie sur le soutien permanent de l'État. Bref, elle restera la grande perdante."
Lien: http://www.lapresse.ca/debats/votre-opinion/201305/23/01-4653786-une-politique-agricole-pour-lupa.php
An agricultural "policy" for the UPA
My translation of a comment signed by Michel R. Saint-Pierre. He was Agriculture, fisheries and nutrition Deputy Minister from 1994 to 1998, and author of the Saint-Pierre report on the funding programs to agriculture.
Personal note: UPA stands for Union des Producteurs Agricoles, a monopolistic farmers' union with mafia-like tactics and seemingly unfettered influence within the government circles. Thanks to the UPA, endless subsidies, financial incentives and tax exemptions promote the industrialization of farming, starving out the organic, innovative and community farming.
An agricultural "policy" made for the UPA
Let's be clear about this from the upstart: this so-called food sovereignty policy revealed to the public last week by Minister François Gendron is not a policy and does not have it's essential characteristics.
The friendly appearance of this exercise to the non-initiated only, it will but maintain status quo. Farming in Quebec will continue to be on the verge of a crisis and taxpayers will continue to support it financially like nowhere else in North America.
A real policy starts from a rigorous analysis of the situation followed by objectives to improve and ways to get there.
But this publicity stunt is somewhere between a publicity campaign for Quebec produce (like the one in 2008 called "Mettez le Québec dans votre Assiette" - serve Quebec food on your plate) and a bunch of measures with dissimilar objectives like preventing the selling out of farmland to foreigners, which was never much more than a marginal phenomenon, and help the next generation buy their parents' farm, even though they are already the most helped in the world in this matter.
A real policy would deal with the real problems, and they are well known. The Pronovost commission, in an exhaustive report made public in February 2008, went amply over the question after receiving 762 testimonies and 720 commentaries on the question while on a province-wide tour that lasted almost 2 years.
Finally, the conclusion was this: our agriculture, even though the most financially supported with taxpayers' money in the whole of North America, is more in dept, less efficient and extremely precarious when faced with any change in it's environment, be it commercial dealings, interest rates or financial backing programs.
Of course, our agriculture can boast having some very good producers in all sectors. Good management farmers with very little dept and technical know-how make some of them among the world's best. But very little is known about them because, for one, they don't complain much, and also, their performance only show the enormous gap they left between themselves and the rest of them.
So, why did the UPA celebrate this so-called policy when for all the other concerned parties the reaction was either mitigated, lukewarm or even negative?
It's simply because this announcement, by being presented as a policy, carefully avoids addressing the real problems of farming in Quebec, some of which are the UPA itself by it's heavy grip and lacking of innovative ideas in marketing, by it's historical refusal to help evolve governmental programs and it's monopolistic handle of the collective's way of thinking about farming.
By presenting this group of sympathetic measures to the public at large like it was a policy with a capital P, the UPA is sure there won't be any more soon and it's monopolistic position will not be challenged for a very long time. That is it's primary objective: it was obvious when the Pronovost report came out.
As for agriculture in Quebec, and that is even more so in the less prosperous regions, we can be sure that in these conditions, it will remain precarious and will continue to depend almost solely on State welfare. In other words, it will remain the big loser.
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