Friends of the Richelieu. A river. A passion.



"Tout cedit pays est fort uny, remply de forests, vignes & noyers. Aucuns Chrestiens n'estoient encores parvenus jusques en cedit lieu, que nous, qui eusmes assez de peine à monter le riviere à la rame. " Samuel de Champlain


"All this region is very level and full of forests, vines and butternut trees. No Christian has ever visited this land and we had all the misery of the world trying to paddle the river upstream." Samuel de Champlain

Sunday, September 29, 2013

Je voudrais voir le fleuve


"Je voudrais voir le fleuve
Stéphane Laporte La Presse

Messieurs Bergeron, Brûlé, Coderre, Côté et madame Joly, si vous voulez mon vote, le 3 novembre, vous n’avez qu’une chose à faire : montrez-moi le fleuve.

Je suis né à Montréal, j’y vis depuis toujours. J’aime ma ville. Mais je n’ai jamais eu l’impression d’habiter une île. À part quand je suis pris dans un bouchon sur le pont. Je regarde ces gratte-ciel surgir de l’eau. Je trouve ça beau. Mais cette image est un mirage. Une fois que je suis rentré dans Montréal, l’eau disparaît. Il ne reste que la montagne de plus en plus cachée. Tout n’est que béton et nids-de-poule. J’ai l’impression d’avoir été trompé.

Avant les Jeux olympiques, avant le baseball, ce qu’il faut ramener à Montréal, c’est le Saint-Laurent. Pas besoin d’aller chercher ça ailleurs. Pas besoin de se traîner par terre devant des barons et des financiers. Pas besoin d’ériger de stade ni d'aménager de pentes de ski. Le Saint-Laurent est déjà là. C’est juste qu’on l’a entreposé. Il faut le sortir de l’usine. Il faut le donner aux promeneurs, aux familles, aux artistes. Pas juste des petits bouts. Il ne faut pas être obligé de le chercher. Il faut que ce soit lui qui vienne à notre rencontre. En courant le courant. Il faut qu’on n’ait pas le choix de le voir. Et de l’admirer. Il faut qu’il soit partout. Tout autour de nous. Et que l’on soit à lui. Que l’on soit son île. Son bijou dans le cou.

Lorsque les Montréalais auront accès au fleuve, ils seront plus heureux. C’est certain. Le bonheur des citoyens, voilà la vraie et la seule mission d’un maire.

L’eau apaise. L’eau fait du bien. Le grand bleu nous éloigne des petits problèmes. Une journée de travail devient une journée de voyage quand on la termine au bord de l’eau.

Je sais bien qu’il y a la plage Doré et quelques endroits dans le Vieux-Port où l’on voit de l’eau. Mais ce n’est pas assez. Ce sont des coins reclus qui ne font pas partie de notre quotidien. Quand on les rejoint, on a fait un gros effort. Ce n’est pas naturel. On a l’impression d’être dans une zone inventée. On ne veut pas juste un hublot sur le fleuve. On veut la vue au complet. On veut que l’air du grand large rejoigne la senteur des smoked meats !

Il faut que le Saint-Laurent soit aussi présent à Montréal que la Seine est présente à Paris. Il faut que tous les habitants de Montréal sachent qu’avant d’être une rue, Saint-Laurent était un fleuve. Notre fleuve. C’est lui notre vraie Main. Notre route principale.

Être entourée d’eau est une bénédiction pour une ville. Partout dans le monde, les villes qui ont cette chance organisent leur cité en fonction de ce privilège. Il n’y a qu’ici qu’on boude notre fleuve. Qu’on lui tourne le dos.

Quand tu es dans Rimouski, c’est ce que tu vois. Quand tu es dans Sydney, Australie, c’est ce que tu vois aussi. J’ai passé quatre jours à Shanghai, en Chine, et j’ai vu plus souvent et plus longtemps le fleuve Huangpu, en quatre jours, que j’ai vu à Montréal le Saint-Laurent en 50 ans. C’est absurde.

En ce moment, tous nos aspirants maires sont occupés à nous promettre de ne pas nous voler. C’est bon à savoir. C’est rassurant après tout ce qui s’est passé. Mais ce n’est pas une finalité. Ça devrait même n’être qu’un point de départ. C’est louable d’affirmer que vous allez gérer nos deniers avec honnêteté. Mais ce n’est pas assez. On a besoin d’une vision. La vision du fleuve. C’est ce qui pourrait nous inspirer le plus. Pas juste durant 15 jours. Pas juste une saison. Mais chaque jour de notre vie. De génération en génération.

Ayez un plan. Trouvez un urbaniste qui saura dessiner Montréal avec de la vie près de l’eau. Pas juste des condos avec vue dessus. Ayez des yeux de badauds, aussi. Faut pas avoir à payer des millions pour apercevoir le fleuve. La vue sur le fleuve n’est pas un privilège. La vue sur le fleuve est un droit. Le Saint-Laurent est une valeur québécoise. Je dirais même qu’historiquement, elle est la première.

C’est facile de dire : nous allons redonner le fleuve aux Montréalais. C’est autre chose de le faire. Présentez-nous quelque chose de concret. Le maire Tremblay, malgré tous ses défauts, a tout de même réalisé concrètement le Quartier des spectacles. Qu’allez-vous mettre en œuvre pour réaliser concrètement le spectacle du fleuve ?

Le Saint-Laurent est en représentation, tous les jours. C’est juste que nous n’avons pas accès à la scène. Faut changer ça.

Celui ou celle qui me dirigera vers le fleuve sera mon dirigeant ou ma dirigeante.

Vive Montréal !

Vive la vue libre sur le fleuve !"

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