Tuesday, September 24, 2013
L'éducation à l'écocitoyenneté est un incontournable dit Lucie Sauvé
Pour Lucie Sauvé, la mobilisation citoyenne face à l’attaque contre le bien commun et à l’invasion des territoires par l’industrie du gaz de schiste est un exemple précis de la nécessité d’une éducation à l’écocitoyenneté. Photo: Pedro Ruiz
Société - L'éducation à l’écocitoyenneté est un incontournable
«Tout l’art de la pédagogie doit s’adapter au contexte, aux situations, à l’âge des enfants»
Le Devoir, 21 septembre 2013, texte de Jacinthe Leblanc
"Un des objectifs du rapport Parent a été d’amener l’éducation dans le monde contemporain. À cette époque, les questions d’ordre écologique n’étaient pas d’actualité. Mais, au fil des décennies, elles ont pris de plus en plus d’importance, que l’on pense entre autres aux dossiers du gaz de schiste, de la mine d’uranium à Sept-Îles et du Suroît, sans compter les deux accidents pétroliers majeurs que le Québec a connus dernièrement. Développer l’écocitoyenneté pour faire face aux enjeux socioécologiques actuels apparaît désormais comme un incontournable et se situe dans les suites logiques du rapport Parent.
Si la citoyenneté fait référence « essentiellement à la dimension politique du vivre- ensemble », pour Lucie Sauvé, l’écocitoyenneté se définit comme « vivre ici ensemble ».
Selon la directrice du Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté, on oublie trop souvent que l’être humain est situé dans le temps et dans l’espace. « On n’est pas seulement une entité sociale qui flotte au niveau des idées et uniquement des interrelations humaines. Vivre ici ensemble […] nous rappelle qu’ici c’est “oïkos”, c’est éco, c’est la maison, explique-t-elle. Et ça, pour moi, c’est l’idée-clé de l’écocitoyenneté. Nous vivons ici ensemble, nous apprenons ensemble à vivre ensemble dans cette maison de vie partagée. »
L’écocitoyenneté cherche donc à mettre en lumière les liens entre les différentes composantes d’un milieu de vie. Plus encore, « c’est développer les compétences pour être capable de se mettre en situation d’interaction collective au niveau de l’action ou du débat, pour faire en sorte qu’on va contribuer au choix collectif qui nous concerne », précise Mme Sauvé.
Ce qui a mené à son caractère incontournable, c’est le fait que, au Québec, « on se rend compte que c’est à la société civile que reviennent le plus souvent le fardeau de la preuve et la tâche de dénoncer, de résister et de proposer les solutions de rechange ». Mme Sauvé pose un regard réaliste sur le mode de gouvernance et le système politique actuel, où l’État québécois ne se fait plus protecteur du bien commun, surtout en matière d’environnement. « Je pense que l’État, d’abord, en a plein les bras, analyse-t-elle. On se rend compte dans les dynamiques que c’est bien souvent la force des lobbys qui a préséance et qu’il y a des enjeux d’équilibre de pouvoir et électoralistes qui font que l’État n’est parfois pas le meilleur acteur pour prendre les meilleures décisions. »
Le cas du gaz de schiste comme exemple
Pour Mme Sauvé, qui a activement participé à la lutte contre les gaz de schiste, notamment via le Collectif scientifique sur la question du gaz de schiste, la mobilisation citoyenne face à l’attaque contre le bien commun et à l’invasion des territoires par l’industrie est un exemple précis de la nécessité d’une éducation à l’écocitoyenneté.
Lucie Sauvé est catégorique sur le rôle du gouvernement dans ce cas précis : « Aucun ministère ne s’est manifesté pour protéger le bien commun […]. Les ministères ont travaillé sous la pression des lobbys. Et je pense que c’est sévère ce que je vais dire, mais on a constaté, dans ce cas-là et dans d’autres cas, que les responsables de la prise de décisions n’ont pas bien étudié leur dossier. » Les citoyens, voyant le danger, entre autres, menaçant les sources d’eau, l’agriculture et leur qualité de vie, n’ont pas eu d’autre choix que d’entrer dans l’action.
« N’eût été un sentiment très violent, dans le cas du gaz de schiste, d’une invasion des territoires chez les citoyens qui, sans ressources financières entre autres […], se sont mobilisés pour exiger qu’on arrête les moteurs, l’invasion de l’industrie du gaz de schiste aurait probablement commencé à s’installer », analyse-t-elle.
Éducation à l’écocitoyenneté
L’écocitoyenneté peut-elle se développer à l’école ? De l’avis de Lucie Sauvé, oui, mais il ne faut pas s’arrêter là. « L'éducation à l’écocitoyenneté, de toute évidence, passe à travers tous les ordres d’enseignement. […] Mais plus encore ! C’est tout au long de la vie », répond-elle. Ainsi, le développement de l’écocitoyenneté s’acquiert dans l’interaction sociale qui se fait autant à l’école, au travail, à la maison, à la garderie ou encore dans une maison de retraite.
Dans le système scolaire québécois, Lucie Sauvé, qui est également professeure au Département de didactique de l’Université du Québec à Montréal, souligne qu’il y a un grand travail à faire pour y inclure l'éducation à l’environnement et, plus spécifiquement, à l’écocitoyenneté.
Au primaire et au secondaire, il faut faire attention à la confusion entre écocivisme et écocitoyenneté. Le premier, qui renvoie à « des comportements civiques écologiquement responsables et […] à un comportement individuel », comme la récupération, les boîtes à lunch écologiques ou la réduction de la consommation d’eau, est plus présent dans les écoles. Le second veut développer des compétences permettant « de s’insérer dans une dynamique de réflexions écosociales. Et, bien souvent, ça prend place dans l’action », souligne-t-elle.
De la compétence écocitoyenne globale découlent trois compétences interreliées : la compétence politique, la compétence critique et la compétence éthique. « Et tout ça se développe en fonction des âges et des situations de vie. Les approches et les stratégies, c’est aussi tout l’art de la pédagogie qui doit s’adapter au contexte, aux situations, à l’âge des enfants », complète la professeure.
Du côté des universités, celles-ci ont un travail de formation des enseignants à accomplir, en plus de montrer l’exemple en tant que vigile et critique sociales et créatrices de savoirs et de solutions de rechange. En ce sens, Lucie Sauvé soutient que le développement durable n’y a pas sa place. Elle note quand même l’amélioration dans certains programmes, « mais c’est beaucoup trop timide ».
Résistance ministérielle
Quant au ministère de l’Éducation, Mme Sauvé avance que, « dans toute la réserve que [ce] ministère a, il y a cette prise de conscience plus ou moins affirmée que l’environnement est une question politique, et on a peur de ça ». Pourtant, les questions écologiques touchent l’ensemble des citoyens et une éducation à l’écocitoyenneté permettrait d’être mieux outillé pour faire face aux défis qui nous attendent.
L'éducation à l’écocitoyenneté est donc une nécessité et les connaissances écologiques se bâtissent jour après jour. Chacun d’entre nous en est constructeur. « Les enfants aussi, note la directrice, sont amenés à être constructeurs du savoir écologique et le rôle de l’école n’est pas de transmettre ce savoir, mais d’accompagner les enfants et les jeunes. Ensuite, les adultes. Ensuite, dans les universités populaires, dans ces processus de construction du savoir », conclut Mme Sauvé."
Lien: http://www.ledevoir.com/societe/education/387789/la-sensibilisation-a-l-ecocitoyennete-est-un-incontournable
NDLR: Lucie Sauvé est "déçue toutefois que le journal ait changé le mot « éducation » pour « sensibilisation ». Ce n'est pas la même chose, j'insiste souvent là-dessus: la sensibilisation reste à l'étape de l'éveil, en surface; l'éducation va beaucoup plus loin et mène au développement de compétences et à la transformation. En fait, chaque fois qu'on trouve le mot sensibilisation dans l'article, il faudrait remplacer par éducation. À commencer par le titre."
J'ai donc procédé à remplacer le mot "sensibilisation" partout dans le texte par le mot éducation.
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Education in ecocitizenship is essential
"The whole art of pedagogy must adapt itself to the context, to the situation, to the children's age."
My translation of an article published in Le Devoir written by Jacinthe Leblanc. Lucie Sauvé, a long friend of mine, wrote to me that the word sensibilisation (as in awareness) should be replaced everywhere in the text by education. So I did the changes.
Under photo: For Lucie Sauvé, the citizens' mobilization against the attack to the public good and the territory invasion by the shale gas industry is a perfect example of the need for education in ecocitizenship.
"One of the objectives of the Parent Report was to bring education in a contemporary context. At the time, environmental questions did not make the news. But through the decades, they became more and more important, like the shale gas file, the uranium mine in Sept-Îles, and the LNG facility in le Suroît, on top of the 2 major oil disasters that occurred recently in Quebec. To develop ecocitizenship to deal with current socio-environmental issues seems essential from now on, and would logically fit in the recommendations of the Parent Report.
If citizenship adresses "essentially to the political dimension of living together", for Lucie Sauvé, ecocitizenship is defined as "living here together".
As per the director of the research center in education and training relating to the environment and ecocitizenship, we too often forget that human beings live in time and in space. "We are not only a social entity that floats on the notions level and only within human inter-relationships. Living together here (...) reminds us that here is "oïkos", it's eco, it's the home, she explains. And that, for me, is the keyword for ecocitizenship. We all live here together, we are learning to live together in this home of life shared."
Ecocitizenship thus seeks to explain the links between the different elements of a living environment. Plus, "it is developing skills to be able to deal within collective interactions at the action or debate level, so that we can contribute to a collective choice that involves us all", adds Mrs Sauvé.
What has lead to it's essential character is the fact that in Quebec, "we realize that it's up to civil society more often than not that befalls the burden of proof and the task of denouncing, of resisting and propose alternative solutions". Mrs Sauvé has a realist outlook on the approach to governing and the present political system, where the Quebec State is no longer protector of common good, especially when it comes to the environment. "I think that first of all, the State has it's arms full, she states. We realize it when it's often the strengt of the lobbies that comes first and there are stakes of balance of powers and electioneering that make the State not the best actor to take the best decisions sometimes."
Shale gas for example
For Mrs Sauvé, who has actively participated in the battle against shale gas, notably through the Scientific Collective on the shale gas question, the citizen mobilisation that took place against the attack to the common good and the territory invasion by the industry is a concrete example of the necessity of having education to ecocitizenship.
Lucie Sauvé stated categorically about the government's role in this specific file: "No Ministry has manifested itself to protect the common good (...). The ministries have worked under the pressure of lobbyists. And I think that what I will say here is though, but we have observed in this case and in other cases that the responsible parties that make decisions have not well studied their file." The citizens, seing the danger, among other things, to water sources, to farming and their quality of life, had no other choice but to spring into action.
"Had it not been a very violent sense of territory invasion by the citizens in the case of shale gas, that, even without financial means, among others (...), got mobilized to demand a stop to everything, the shale gas industry invasion would have probably started to implant itself" she adds.
Education in ecocitizenship
Can ecocitizenship be taught in school? As per Lucie Sauvé, it can, but more must be done. "Education to ecocitizenship, obviously, must come from all teaching levels. (...) But more than that! It should be for a lifetime", she says. Indeed, the development of citizenship is gained through social interaction that happens as much in school as at home, in kindergarten or even in the retirement home.
In the Quebec school system, Lucie Sauvé, who is also professor at the Didactic department of the University of Quebec in Montreal, mentions that there is a lot of work to do so that education in environment, and more specifically, in ecocitizenship.
In the primary school level, and at High school level, one must beware of confusing civic environmentalism and ecocitizenship. The first, that refers to "civic behaviour environmentally responsible and (...) individual behaviour", like recycling, green lunches or reducing water usage, those are more present in the schools. The second wants to develop skills that "permit insertion in a dynamic of eco-social reflexion. And, very often, that takes place with action", she adds.
Global ecocitizen skills come from three linked abilities: political skill, critical skill and ethical skill. "And all this develops depending on the age and life situations. The approach and strategies are also part of the art of pedagogy that must adapt itself to the context, to the situations, to the children's age", insists the professor.
As for the universities, they have the task of training the professors to accomplish, on top of being an example to follow in being a watchdog and social critic and creator of learning and alternative solutions. In that sense, Lucie Sauvé maintains that sustainable development has no business being there. Although she does note the improvement in certain programs, "but it's just not enough".
Ministerial resistance
As for the Education Ministry, Mme Sauvé says that "with all the reserve of this ministry, there is this new awareness more or less defined that the environment is a political question, and that scares them". Even though environmental questions touch every citizen and an education in ecocitizenship would leave one better prepared to face the challenges that await us.
Education in ecocitizenship is then a necessity and environmental knowledge grows with every day passing. Every one of us is a builder. "Children too, adds the director, are called to be builders of environmental knowledge, and the role of schools is not to transmit this knowledge, but to accompany children and our youth. Then, the adults. Then, the popular universities, in the process of building knowledge" says Mrs Sauvé."
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