Photo: Colin Smith
Ma traduction libre d'un reportage du journaliste et écrivain Andrew Nikiforuk publié dans le quotidien The Tyee du 6 février 2014
Les avocats de la consultante de l'industrie pétrolière Jessica Ernst ont présenté dans un argumentaire que la puissante agence albertaine qui règlemente le domaine des énergies n'a pas seulement le devoir de protection des propriétaires terriens afin de préserver les nappes phréatiques, mais de plus ne peut pas enfreindre à la Charte des droits et libertés de la nation.
Ni l'agence régulatrice qui a supervisé le développement des sables bitumineux et qui est maintenant aux prises d'une controverse de fracking dans la municipalité de Lethbridge n'est à l'abri des procès au civil.
Le sommaire de 29 pages présenté à la cour hier fait parti du procès de $33 millions toujours en cour qui prétend que la compagnie Encana a foré et fracturé des puits dans des formations peu profondes de houille à la recherche de gaz naturel entre 2001 et 2004 directement dans la source locale d'eau potable souterraine près de sa résidence à Rosebud, en Alberta, ce qui aurait pollué son puits d'eau potable avec suffisamment de produits chimiques et de méthane pour le rendre inflammable.
La poursuite prétend également que deux régulateurs provinciaux, le Alberta Energy Regulator (anciennement appelé Energy Resources Conservation Board - l'équivalent de la Régie de l'Énergie au Québec) et Alberta Environment (l'équivalent du Ministère de l'Environnement du Québec), n'ont pas agi suite à des infractions documentées aux lois et ce à répétition, et que le ERCB aurait cessé toute communication avec la consultante de l'industrie pétrolière sous prétexte qu'elle était "une menace criminelle".
La poursuite prétend également que le régulateur énergétique aurait violé les droits de liberté d'expression de Mme Ernst selon la Charte en la "punissant pour avoir critiqué publiquement le ERCB et en interdisant Ernst de parler à des représentants clés de l'agence de façon arbitraire."
En septembre dernier, le juge en chef de l'Alberta Neil Wittman a annulé la réclamation de Mme Ernst ainsi que sa réclamation de négligence contre le régulateur.
Mais Wittman a alloué les réclamations de négligence contre le gouvernement de l'Alberta et Encana, une compagnie pionnière dans le domaine des fracturations hydrauliques et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels, et a donné le feu vert pour aller de l'avant.
Une clause dans la législation du régulateur l'exonérant des litiges publics ne lui "donne pas l'immunité contre des réclamations valides selon la Charte", plaident Murray Klippenstein et Cory Wanless, les avocats de Mme Ernst de leur bureau de Toronto dans le sommaire.
"Non seulement est-ce que la Charte garantie les libertés fondamentales, mais fondamentalement, garantit le droit des Canadiens à une remédiation quand leurs droits et libertés fondamentaux de la Charte ont été violés. Ces droits constitutionnels ne peuvent pas leur être retirés par une simple promulgation statuaire qui prétend donner immunité au comité du Energy Resources Conservation Board," écrivent-ils.
Une bataille à l'horizon
Les argumentaires de l'appel présagent ce qui pourrait devenir une bataille légale majeure et importante en mai entre le régulateur énergétique et les avocats de Mme Ernst dans la ville pétrolière de Calgary.
Sous plusieurs aspects, l'audience de l'appel met en conflit direct les droits des propriétaires terriens qui veulent soit interdire la fracturation hydraulique ou améliorer la protection de l'eau souterraine contre les intérêts des régulateurs dont le financement provient de l'industrie et un gouvernement dépendant des revenus venant des hydrocarbures.
(Le régulateur de l'Alberta Energy Regulator est financé à 100% par l'industrie et géré par un ancien vice-président d'Encana et le fondateur d'une association importante de lobbyistes du pétrole.)
Les avocats de Mme Ernst présentent l'argumentaire que le juge Wittman a fait des erreurs dans son jugement de septembre dernier qui arrivait à la conclusion que le régulateur ne pouvait pas se faire poursuivre par des propriétaires terriens à cause de négligence.
Ils disent que la clause d'immunité statuaire du régulateur "ne peut pas donner l'immunité à un gouvernement devant des réclamations valides selon la Charte. La Charte garantie non seulement des droits et des libertés fondamentaux, mais aussi garantit aux Canadiens le droit de remédiation quand ces droits et libertés fondamentaux de la Charte ont été violés. Ces droits constitutionnels ne peuvent pas se faire retirer par une immunité statutaire accordée par une loi provinciale."
Le juge Wittman a aussi statué que c'était "clair et évident" que le régulateur n'avait pas de devoir de protection envers Mme Ernst parce qu'il n'y avait pas de relation de proximité suffisante.
Mais les avocats de Mme Ernst ne sont pas d'accord et présentent l'argumentaire que non seulement le régulateur aurait interagit avec Mme Ernst, mais l'aurait encouragé à se fier sur ses protocoles de respect des règlements et d'enquête.
Le régulateur a aussi assuré la femme d'affaires plusieurs fois qu'il avait des règles pour protéger l'eau souterraine des contaminations venant des forages et des fracturations de l'industrie. Son mandat dit qu'il doit protéger "tous les aquifères d'eau douce des impacts nuisibles causés par les activités pétrolières et gazières."
Les avocats de Mme Ernst ajoutent que "la Cour suprême a répété plusieurs fois qu'une fois une agence gouvernementale comme le ERCB ait engagé une enquête ou un mécanisme d'inspection au niveau opérationnel, il a le devoir de protection de mener cette inspection sans négligence, sans quoi l'autorité pourrait être tenue responsable."
Le sommaire cite plusieurs cas où la cour a trouvé que les régulateurs de l'industrie minière a un devoir envers les mineurs d'inspecter les mines; que les municipalités doivent voir au respect du code de la construction; et que les comités agricoles ont un devoir envers les fermiers d'inspecter à la recherche de virus qui attaquent les plants de pommes de terre.
Le régulateur énergétique de l'Alberta "est responsable de s'assurer que les opérations pétrolières et gazières ne contaminent pas l'eau souterraine potable," ajoutent les avocats.
"Le ERCB a instauré un système d'inspection et de respect des règlements en parti pour protéger l'eau souterraine potable... Et pourtant, en réaction aux plaintes que l'eau de puits de Mme Ernst était contaminée avec des niveaux inflammables de méthane, le ERCB a manqué, arbitrairement et sans raison, d’enclencher son propre système d'inspections et de suivi et a n'a pas enclenché aucune forme d'enquête sur les causes de la contamination grave du puits d'eau potable de Mme Ernst," lit-on dans le sommaire.
Mme Ernst "se fie" sur le régulateur, disent ses avocats
L'un des derniers argumentaires ira probablement chercher des milliers de propriétaires terriens aux prises avec des disputes impliquant des compagnies pétrolières et gazières sur l'espace, l'échelle et les règlements sur le fracking.
"Mme Ernst, comme tous les propriétaires terriens qui vivent près du développement pétrolier et gazier, a très peu à dire sur la localisation des opérations pétrolières et gazières ou comment ces activités sont menées. Elle n'a pas la capacité de faire l'inspection de ces opérations, ni de s'assurer que les opérations sont faites de façon sécuritaire, et a une capacité limitée à réagir afin de se protéger, elle-même ou sa propriété, quand les choses tournent mal.
"Dans ce cas-ci, Mme Ernst se fiait complètement sur le ERCB pour la protéger, elle et sa propriété, des impacts nuisibles causés par des activités pétrolières et gazières négligentes. Quand les citoyens n'ont pas les moyens de se protéger d'un danger réel, ils devraient être capable de se fier aux agences gouvernementales qui ont la tâche de faire les inspections et voir à ce que les règlements soient respectés."
En se basant sur le jugement rendu en septembre dernier, Alberta Environment a soumis une application pour radier le procès de Mme Ernst contre le régulateur, plaidant maintenant que comme le ERCB, il n'a aucun devoir de protection et bénéficie d'immunité. Le gouvernement a attendu 3 ans pour présenter cet argumentaire et l'audience se tiendra le 16 avril 2014 dans la cour de justice de Drumheller devant le Banc de la Reine.
À cause des redevances à la baisse des hydrocarbures non conventionnels ( ils sont maintenant à 5%), les fracturations hydrauliques horizontales à plusieurs étapes ont augmenté drastiquement partout en Alberta. Selon l'Association canadienne des producteurs de pétrole (CAPP)," des 3,107 nouveaux puits pétroliers en production en 2012, les puits horizontaux, incluant ceux qui utilisent des techniques de fracturations à plusieurs étapes, se comptent à 2,379, ou 77%."
ENCART:
La bataille de fracking à Lethbridge
À Lethbridge, les citoyens, le conseil municipal et la commission scolaire sont à planifier la bataille avec Goldenkey Oil Inc. qui veut forer et fracturer à l'intérieur du territoire de la ville du côté ouest.
Bien que le Alberta Energy Regulator (régie de l'énergie) n'a pas de règlements spécifiques pour contrôler les forages urbains, Goldenkey détient les droits miniers de 23 kilomètres carrés sous la ville où habitent plus de 10,000 citoyens.
Des centaines de citoyens inquiets des impacts du fracking, dont la consommation de l'eau, la pollution de l'air et la dévaluation des propriétés, ont protesté dans les rues, acheté une publicité d'une pleine page dans le quotidien local Lethbridge Herald, demandant un moratoire sur les forages urbains.
Entre-temps, les nouveaux démocrates de l'Alberta ont publié des documents qui démontrent que le nombre de permis de prélèvements d'eau accordés par le gouvernement provincial à l'industrie du fracking a augmenté, passant de 203 en 2012 à 1,516 l'an passé, une augmentation de 647%.
Par contre, la quantité totale d'eau allouée et utilisée selon ces permis a augmenté de plus de 1,000%.
L'industrie estime que de 25% à 100% de l'eau consommée durant le fracking n'est pas récupérée et par conséquent est perdue à jamais du cycle (naturel) de l'eau.
"C'est évident qu'on ne peut pas avoir confiance en ce gouvernement Conservateur qui ne protège pas les Albertains et notre eau," dit Brian Mason, le chef NPD provincial et porte-parole du dossier énergétique dans un communiqué.
"Voici un gouvernement qui s'emballe sans contrôle avec le fracking. Entre-temps, la province considère sérieusement une proposition qui permettrait de forer à l'intérieur d'un périmètre d'un kilomètre des résidences, des écoles et des bureaux d'affaires dans West Lethbridge. Une vitesse de casse-cou est la mauvaise vitesse quand il s'agit de mettre en danger les familles et les communautés."
Un texte d'Andrew Nikiforuk
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Fracking Foe Ernst: Alberta Regulator Not Immune to Charter
Landowner's appeal argument foreshadows what could become a major court battle this May.
By Andrew Nikiforuk, published in TheTyee.ca
Lawyers representing oil patch consultant Jessica Ernst have argued in an appeal briefing that Alberta's powerful energy regulator not only owes a duty of care to landowners to protect groundwater, but cannot violate the nation's Charter of Rights and Freedoms.
Nor is the regulator, which oversaw the development of the oilsands and is now mired in a fracking controversy in the city of Lethbridge, immune to civil action.
The 29-page briefing filed yesterday is the latest in Ernst's ongoing, $33-million lawsuit, which alleges that Encana drilled and fractured shallow coal bed methane wells directly in the local groundwater supply near her Rosebud, Alberta home between 2001 and 2004, polluting her water well with enough chemicals and methane to make it flammable.
The suit also alleges that two provincial regulators, the Alberta Energy Regulator (formerly the Energy Resources Conservation Board) and Alberta Environment, failed to act on documented and repeated violations of the law, and that the ERCB ceased all communication with the oil patch consultant on the grounds that she posed "criminal threats."
The suit also alleges that the energy regulator violated Ernst's Charter right to freedom of expression by "punishing her for publicly criticizing the ERCB and by arbitrarily preventing Ernst from speaking to key offices within the ERCB."
Last September, Alberta Chief Justice Neil Wittman struck down Ernst's Charter claim as well as her negligence claim against the regulator.
But Wittman allowed claims of negligence against the government of Alberta and Encana, a pioneer in fracking and mining of unconventional hydrocarbons, to proceed.
A clause in the regulator's legislation exempting its actions from public litigation does not "provide immunity from valid Charter claims," argue Ernst's Toronto-based lawyers Murray Klippenstein and Cory Wanless in the briefing.
"The Charter guarantees not only fundamental freedoms, but crucially, also guarantees the right of Canadians to seek a remedy when fundamental Charter rights and freedoms are violated. These constitutional rights cannot be taken away by a mere statutory enactment purporting to grant immunity to the Energy Resources Conservation Board," they write.
A battle foreshadowed
The appeal arguments foreshadow what could become a major and significant court battle this May between the energy regulator and Ernst's lawyers in the oil town of Calgary.
In many respects, the appeal hearing pits the rights of landowners who either want to ban hydraulic fracturing or improve groundwater protection against the interests of industry-funded regulators and a government dependent on hydrocarbon revenue.
(Alberta's Energy Regulator is funded 100 per cent by industry and run by a former Encana vice president and the founder of a major oil lobby association.)
Ernst's lawyers argue that Justice Wittman made errors in his September ruling, which concluded that the regulator could not be sued by landowners for negligence.
They say the regulator's statutory immunity clause "cannot provide immunity to a government from valid Charter claims. The Charter guarantees not only fundamental rights and freedoms, but crucially, also guarantees the right for Canadians to seek a remedy when these fundamental Charter rights and freedoms are violated. These constitutional rights cannot be taken away by statutory immunity in a provincial statute."
Justice Wittman also ruled that it was "plain and obvious" that the regulator owed no duty of care to Ernst because it wasn't in a relationship of sufficient proximity.
But Ernst's lawyers disagree, arguing that not only did the regulator interact with Ernst, but encouraged her to rely on its enforcement and investigation protocols.
The regulator also repeatedly assured the businesswoman that it had rules for protecting groundwater from contamination by industry drilling and fracking. Its mandate says it must protect "all freshwater aquifers from adverse impacts caused by oil and gas activities."
Ernst's lawyers add that "the Supreme Court has repeatedly held that once a government agency, such as the ERCB, has established an investigation or inspection mechanism at an operations level, it will owe a duty of care to carry out that inspection without negligence, failing which the authority can be held liable."
The briefing cites various cases where the courts have found that mine regulators owe a duty to miners to inspect the mines; that municipalities must enforce building codes; and that agricultural boards owe a duty to farmers to inspect for potato viruses.
Alberta's energy regulator "is responsible for ensuring that oil and gas operations do not contaminate potable groundwater," add the lawyers.
"The ERCB established an inspection and enforcement scheme in part to protect potable groundwater… And yet, when faced with complaints that Ernst's water well was contaminated with flammable levels of methane, the ERCB arbitrarily and without reason failed to implement its own inspection and enforcement scheme and failed to conduct any form of investigation into the causes of the severe contamination of Ernst's well water," reads the briefing.
Ernst 'reliant' on regulator, say lawyers
One of the final arguments will likely resonate with thousands of landowners embroiled in disputes with oil and gas companies about the space, scale and regulation of fracking.
"Ernst, like all rural landowners who live near oil and gas development, has little say in where oil and gas operations are located or how such activities are conducted. She has no ability to inspect operations, or to make sure that the operations are conducted in a safe manner, and only a limited ability to respond to protect herself or her property when something goes terribly wrong.
"In this case, Ernst was completely reliant on the ERCB to protect her and her property from adverse impacts caused by negligent oil and gas activities. Where citizens have no means to protect themselves from a real danger, they should be entitled to rely on government agencies tasked with inspection and enforcement."
Based on Wittman's ruling last September, Alberta Environment has filed an application to strike out the Ernst case against the regulator, now claiming, like the ERCB, no private duty of care and immunity. The government waited three years to make this argument and the hearing is set for April 16, 2014 in Drumheller Court of Queen's Bench.
Due to a lowering of royalties for unconventional hydrocarbons (now just five per cent), horizontal multi-stage fracking has increased dramatically throughout Alberta. According to the Canadian Association of Petroleum Producers, "out of the 3,107 new oil wells placed on production in 2012, horizontal wells, including those using multistage fracturing techniques, accounted for 2,379 or 77 per cent."
BOX:
FRACK FIGHT IN LETHBRIDGE
In Lethbridge, citizens, city council and a school board are now battling plans by Goldenkey Oil Inc. to drill and frack within city limits on the west side.
Though the Alberta Energy Regulator has no ground rules to control urban drilling, Goldenkey holds mineral rights to 23 square-kilometres under the city, where more than 10,000 people live.
Hundreds of citizens concerned about the impacts of fracking, including water consumption, air pollution and property devaluation, have protested in the streets, running a full page advertisement in the Lethbridge Herald demanding a moratorium on urban drilling.
Meanwhile, Alberta's New Democrats released documents showing the number of water licenses granted by the provincial government to the fracking industry increased from 203 in the year 2012 to 1,516 last year, a 647 per cent increase.
In turn, the total amount of water allocated and used under those licenses increased by more than a thousand per cent.
Industry calculates that anywhere between 25 to 100 per cent of the water used in fracking is not recovered and consequently lost permanently to the water cycle.
"It's obvious that this PC government can't be trusted to protect Albertans or our water," said Brian Mason, Alberta's NDP leader and energy critic, in a statement.
"This is a government that is speeding out of control on fracking. Meantime, the province is actually considering a proposal to frack within a kilometre of homes, schools and businesses in West Lethbridge. A breakneck speed is the wrong speed when it endangers families and communities."
-- Andrew Nikiforuk
Link: http://thetyee.ca/News/2014/02/06/Fracking-Foe-Appeals/
Saturday, February 8, 2014
L'ennemie du fracking affirme que l'agence de l'Alberta doit respecter la Charte
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