Photo: Elizabeth Berkowitz
Les chercheurs au Tyndall Centre à l'université de Manchester, en Angleterre, ont enquêté sur les impacts du gaz de schiste sur l'environnement et les changements climatiques. L'exploitation du gaz de schiste, ou de shale, est bien lancée aux États-Unis et devra commencer bientôt en Grande-Bretagne.
Voici la 6e partie d'une traduction libre du rapport préliminaire du Tyndall Centre for Climate Change Research. Le texte original est ici: http://www.tyndall.ac.uk/shalegasreport avec un lien pour télécharger le rapport en format pdf de 87 pages.
Le titre du rapport est:
"Shale gas: a provisionnal assessment of climate change and environmental impacts - A research report by The Tyndall Center, University of Manchester with Sustainable Change Co-operative, Report commissioned by The Co-operative. January 2011"
3. Estimation des émissions GES liés aux gaz de schiste
3.1 Introduction
Cette section du rapport portera sur les prévisions d'émissions de GES produites par le gaz de schiste et tentera de répondre à ces 3 questions importantes:
1) Quelles sont les quantités d'énergie et d'émissions de GES sont liées avec l'exploitation et le traitement du gaz de schiste à comparé avec le gaz venant de sources conventionnelles?
2) En assumant que les émissions additionnelles de GES associées avec l'exploitation du gaz venant du shale, est-ce que ces émissions additionnelles compensent pour les économies d'émissions directes gagnées par la combustion du gaz naturel plutôt que le charbon?
3) Quelle serait la contribution de la combustion du gaz de schiste aux émissions de GES en Grande-Bretagne et mondiales?
Il y a une quantité limitée de données disponibles pour répondre à ces questions en détails. À la place, nous tenterons de jeter une lumière sur les émissions de GES liés aux différentes étapes de production du gaz de schiste qui s'additionnent à tous les autres procédés nécessaires pour l'usage des sources conventionnelles de gaz. L'analyse se base sur des données non examinées par des pairs d'une quantité limitée de mesures sur le terrain. Les données de GES sont donc à un degré élevé d'incertitude et pourraient changer considérablement avec le temps au fur à mesure que l'industrie se développe.
3.2 Les émissions de GES de sources de schiste et conventionnelles
Cette section passe en revue les émissions de CO2 additionnelles de l'exploitation du gaz naturel du schiste à comparé avec une source conventionnelle. Il y a très peu de nomenclature disponible qui peut servir à calculer une évaluation du cycle de vie complet du gaz de schiste versus l'exploitation du gaz naturel. Dans le cas des sources de gaz conventionnel, la quantité d'émissions produites durant l'exploitation dépend des caractéristiques des réservoirs. À cause de ces variations et l'information inégale, une comparaison directe entre le schiste et le conventionnel n'est pas recommandé.
Il est pris pour acquis que la combustion du gaz naturel émet la même quantité de CO2, qu'il vienne du schiste ou de sources conventionnelles. En Grande-Bretagne, le gaz naturel extrait des schistes devrait employer les mêmes méthodes de distribution que le gaz venant des sources conventionnelles, et donc sera soumis aux mêmes pertes de distribution. La principale différence entre les émissions des GES générés par le schiste que le conventionnel viendra donc des procédés d'extraction (exploitation) et de production (transformation).
L'objet de cette section sera donc de quantifier la quantité de GES générées pendant les étapes principales du procédé d'extraction par puits qui sont uniques aux sites de gaz de schiste. Les données sur les émissions prévues de l'extraction du shale du Marcellus aux États-Unis viennent d'un rapport du New York State Department of Environmental Conservation (2009) et des informations de d'autres documents (Al Armendariz, 2009; Worldwatch Institute, 2010; HIS CERA, 2010). Comme mentionné dans la section 3.2.2, la principale différence entre extraire le gaz du shale et des réservoirs conventionnels est le forage horizontal et la fracturation hydraulique qui sont nécessaires pour exploiter le gaz avec succès. Une autre différence potentielle des deux façons d'extraction est le transport de l'eau et des chimiques vers le site du puits pour la fracturation hydraulique et la disposition du mélange d'eaux usées et de produits chimiques après la fracturation.
3.2.1 Les émissions supplémentaires liées à l'exploitation du shale, par puits
L'extraction du gaz naturel de sources conventionnelles et des réservoirs de shale sur terre se déroulent beaucoup comme les procédés détaillés dans la section 2.2. Les émissions pendant l'extraction peuvent venir de 3 sources principales:
1) La combustion des combustibles fossiles pour faire fonctionner les moteurs des foreuses, des pompes et des compresseurs nécessaires pour extraire le gaz naturel sur le site et pour le transport de l'équipement, de la ressource et des déchêts vers et hors du site;
2) Les émissions fugitives sont des émissions de gaz naturel qui s'échappent par accident pendant la construction du puits et les différentes étapes d'exploitation;
3) Les émissions d'évents de gaz naturel qui est stocké et brûlé sur le site ou éventé directement dans l'atmosphère d'une façon contrôlée.
Cette section se concentrera sur la première de ces sources puisqu'elle est la plus grande différence entre les sources de schiste et conventionnelles. Les émissions fugitives et d'évents de méthane dépendront des mesures de contrôle et les procédures d'opérations utilisées à chaque site.
Les émissions durant la construction du site de forage (well pad)
La principale source d'émissions de GES de ces étapes vient du transport des combustibles employés pour le transport de l'équipement de forage et les matériaux du site, ainsi que l'équipement sur le site qui fournit l'énergie nécessaire aux opérations. Cette étape est la même pour les sources conventionnels et non conventionnelles. Une partie de l'équipement qui sert à monter la tour de forage est le "prime mover" qui fournit l'énergie au forage. Les "prime movers" fonctionnent habituellement au diesel mais les moteurs au gaz naturel ou à l'essence sont aussi disponibles. Les tours de forage peuvent fonctionner soit à l'électricité produite sur le site avec une génératrice à essence ou à gaz ou tirée directement du réseau. La dimension du "prime mover" dépend de la profondeur du forage requis et varie de 500hp pour les tours de forage peu profonds jusqu'à 3,000 hp pour forer à des profondeurs au delà de 6,000 mètres. Les émissions générées durant ces étapes dépendront des profondeurs requises pour le forage et le nombre de puits forés par site.
Les émissions du forage
Comme mentionné dans la section 2.2.1, les premières étapes de forage dans les schistes gaziers sont presque identiques aux puits verticaux dans l'exploitation du gaz conventionnel. Le tableau 3.1 illustre une comparaison des profondeurs des puits conventionnelles et de schiste aux États-Unis, par contre, les données disponibles n'indiquent pas clairement si les puits dans le shale sont habituellement plus profonds ou moins que les conventionnels. Le rapport récent du DECC indique que l'un des critères pour un puits réussi dans le shale aux É.-U. demande une profondeur de la surface serait entre 1,000 et 3,500 mètres (DECC, 2010). Pour cette étude, les émissions générés d'un forage vertical seront présumées d'être semblables à des forages dans le shale et de source conventionnelle. On devra prendre note que bien que certains puits de gaz conventionnel ont été stimulés avec des méthodes de fracturation hydraulique, la fracturation hydraulique et le forage horizontal est absolument nécessaire pour les puits dans le schiste.
Les émissions générées lors des forages horizontaux sont présumées d'être les mêmes que celles émises durant le forage vertical, faute de données plus précises. L'ARI (2008) présume que la consommation de diesel pour forer verticalement est de 1,5 gallons (5,7 litres) par pied foré. Cette quantité pourrait égaler à un facteur d'émissions de 15kg de CO2 par pied foré (49kg CO2 par mètre). La quantité de carburant additionnelle requise pour forer horizontalement est dépendante de la spécificité du site foré. En présumant que les émissions sont les mêmes que pour le forage vertical, le forage horizontal additionnel entre 300 et 1,500 mètres (ALL Consulting 2008) pourrait ajouter entre 15 et 75 tonnes de CO2 émises à comparer avec un puits conventionnel qui ne fore par horizontalement. Les données des forages dans le Marcellus indiquent que le forage latéral se fait entre 1 et 1,5 km, ce qui équivaudrait à des émissions de 49 à 73,5 tonnes de CO2 de ce site.
L'avant-production - l'étape de fracturation hydraulique
À cette étape, l'une des principales sources d'émissions additionnelles nécessaires pour extraire le gaz du schiste peut être comparée avec l'extraction du gaz conventionnel. La principale source d'émissions sur le site est due au mélange des matériaux de fracturation ( le pompage de l'eau des contenants de stockage, les chimiques et le sable); vient ensuite par la compression et l'injection du matériel de fracturation dans et hors du puits foré. En ce moment, beaucoup de ces activités sont faites grâce à des moteurs qui fonctionnent au diesel, bien que des combustibles plus légers ou l'électricité pourraient être utilisés pour réduire les émissions pendant cette étape. Le rapport du New York State (2009) indique que les émissions provenant des pompes à haute pression avec une consommation moyenne de carburant pour la fracturation hydraulique sur 8 puits forés horizontalement dans le shale du Marcellus donnerait un total de 29,000 gallons de diesel, équivalant à 325 tonnes de CO2 par puits. En mesures métriques, cela donne 110,000 litres de diesel et 295 tonnes de CO2 par puits.
Pendant les dernières étapes, il est nécessaire de transporter les chimiques et l'eau employés pour la fracturation vers le site et ensuite en disposer. Ensuite vient le nettoyage et le stockage. Selon INGAA Consulting (2008) et www.Naturalgas-org (2010), il est question de 3,5 millions de gallons (13,2 millions de litres) d'eau nécessaires par puits pour la fracturation hydraulique avec les technologies existantes, et New York State (2009) mentionne des quantités entre 9 et 29 millions de litres par puits. Les émissions générées par l'usage de l'eau et des chimiques dépendront de la source d'eau et les types de chimiques employés, qui sont souvent spécifiques à chaque site. Les sites conventionnels peuvent utiliser de l'acide chlorhydrique pour augmenter le rendement.
La disposition des eaux usées, ou "saumures" est un fardeau additionnel pour les réservoirs de gaz de schiste. Comme déjà mentionné dans la section 2.2.2, les estimations des fluides récupérés varient de 15% à 80% des volumes injectés, dépendant du site selon US EPA 2010. Aux É.-U., plusieurs opérateurs injectent des déchêts liquides des fracturations dans des aquifères salins, mais cela n'est pas le seul choix disponible et de plus en plus, le recyclage de l'eau est employé. Un certain nombre de projets pilotes du Barnett Shale ont recyclé l'eau pour la réutiliser dans d'autres fracturation; en distillant l'eau et en séparant l'eau des saumures restantes sur le site même selon ALL Consulting (2008b) en mentionnant le Railroad Commissioin of Texas (2010). La quantité de chaleur nécessaire pour recycler l'eau avec des méthodes de distillation devrait être considérable vu la quantité considérable de liquides, mais des méthodes innovatrices pourrait réduire la quantité d'énergie requise pour cette étape.
En Grande-Bretagne, l'accès à l'eau n'est pas aussi difficile qu'à certains sites de shale aux États-Unis et 2 choix se présentent pour la livraison de l'eau sur le site de schiste et le traitement des eaux usées après la fracturation. Le choix d'usage de l'eau et en disposer impactent les coûts encourus par le propriétaire du site et les émissions de GES générées, et dépendent de 3 facteurs clés: la durée de demande de l'eau sur le site, la localisation du site par rapport aux réservoirs, aux rivières ou à l'aqueduc et le volume d'eau requis sur le site.
Le choix préféré serait d'utiliser l'eau de réservoirs locaux, des rivières ou des sources d'eau brute et la transporter par camion ou la pomper, dépendant du site. Cela pourrait nécessiter des demandes de permis des autorités locales. Le pompage générera également des émissions de GES et pourrait également nécessiter des permis pour installer les pipelines. Après la fracturation, on devrait disposer de la saumure en la transportant par camion vers une usine de traitement d'eaux usées. Le deuxième choix serait d'utiliser de l'eau potable et la pomper d'une source locale ou la transporter vers le site. L'eau potable demande plus de dépenses d'énergie, est plus dispendieuse et génère plus de GES. La saumure devrait être nettoyé sur le site et l'eau recyclée pour d'autres fracturations hydrauliques. Cela demanderait moins d'eau douce de la source principale, réduisant ainsi l'intensité d'énergie dépensée. Par contre, les chimiques et les autres déchets doivent être quand même transportés vers un site de traitement d'eaux usées. Dans ce rapport, le premier choix est étudié puisqu'il s'appliquerait davantage aux conditions en G.-B.
Les émissions générées durant le transport des matériaux de fracturation ont été calculées en comptant le nombres de voyages de camions par puits (voir table 2.5), en présumant que l'eau transportée vient d'une source à 30 km (60 km allez-retour par route) avec un facteur d'émissions de 983,11 grammes de CO2 par km. De plus, les saumures récupérées (de 15% à 80% de ce qui a été injecté) sont présumément transportées sur les mêmes distances vers une usine de traitement d'eaux usées. À l'usine, 0,406 tonnes de CO2 par million de litres sont relâchées dans l'atmosphère lors du traitement des saumures selon Water UK, 2006).
D'autres émissions pendant l'exploitation du puits
La dernière étape de l'extraction du gaz naturel consiste à traiter et comprimer le gaz pour le distribuer. La composition chimique du gaz extrait du schiste est spécifique à la géologie et comprend un mélange de méthane, d'autres hydrocarbures plus lourds et du CO2. La composition déterminera en partie l'énergie consommée et donc l'intensité des émissions à l'étape de production. Pendant l'étape de production, les hydrocarbures lourds et le CO2 s'il y en a seront retirés et le méthane qui reste (ou le mélange des gaz selon des standards nationaux du réseau gazier de la G.-B.) sont comprimés pour la distribution. Les mêmes étapes sont requises que le gaz soit conventionnel ou non conventionnel. La principale différence à ce stage-ci sera la différence dans la composition du gaz conventionnel versus le gaz non conventionnel.
Il y a des commentaires qui se contredisent à ce sujet: il y a peu de données disponibles sur la composition chimique du gaz non conventionnel. La production du gaz naturel du Barnett et d'autres shales sont plutôt "mouillés", c'est-à-dire que le taux de composés plus lourds (C2, éthane ou des composés plus élevés comme le propane et le butane) comparé au méthane est élevé, et la valeur calorifère est plus élevée. Le contenu de CO2 dans le gaz de schiste est habituellement bas. Une exception à cela serait le Antrim Shale dans le Michigan Basin: la source biogénique du méthane produit du CO2 en plus du méthane.
La composition de la production du Barnett Shale varie beaucoup en termes de "mouillé" et de contenu liquide au travers la région de production. La région comporte une gradation de gaz sec à gaz mouillé, de pétrole à gaz. Ces changements en composition peuvent être associés avec la maturité thermale mesurée par la réflectivité de la vitrinite. Le terme maturité thermale fait référence au niveau d'altération d'une veine en production de pétrole et de gaz au fil des temps géologiques. La réflectivité vitrinite est une mesure spécifique de maturité thermale. Des régions de réflectivité vitrinite plus élevées dans les régions les plus à l'est sont d'une plus grande maturité thermale et ont du gaz sec avec un potentiel calorifique moins élevé. Le contenu mouillé du Barnett et la variabilité latérale de ces gaz mouillés sont importants sur les besoins en infrastructures pour transformer ce gaz naturel. C'est parce que les liquides doivent être retirés du gaz avant qu'il soit transporté à de longues distances dans les gazoducs. Quand les installations existantes pour la transformation ne sont pas suffisantes, le dévelopement de la ressource gazière pourrait en souffrir.
Par contre, ALL (2008) mentionne que le gaz de schiste est habituellement du gaz sec dont plus de 90% est du méthane: "Pour ce qui est de sa composition chimique, le gaz de schiste est typiquement du gaz sec composé surtout de méthane (90% ou plus). Bien qu'il y ait des formations géologiques de gaz de schiste qui fournissent du gaz et de l'eau, les shales Antrim et New Albany en sont les principaux exemples, il y a des exceptions selon les données des régions en exploitation active." (Boyer et al, 2006).
Évaluation sommaire: gaz de schiste versus gaz conventionnel par puits
Le tableau 3.2 donne un aperçu des émissions additionnelles provenant de l'exploitation du gaz des schistes. Pour faire une comparaison avec une source conventionnelle, nous assumons que toutes les émissions seraient équivalentes excepté pour les procédés de fracturation hydraulique et les étapes de flowback (eaux usées rejetées). De plus, il pourrait y avoir des émissions additionnelles fugitives de gaz naturel pendant la fracturation hydraulique et l'étape de flowback qui ne sont pas quantifiées. De telles émissions devront être mesurées sur le site même et seraient influencées par l'usage ou d'autres mesures pour limiter les fuites.
a: une source potentielle supplémentaire d'émissions pourrait venir de la production des chimiques utilisés dans le procédé de fracturation. Toutefois, le niveau de ces émissions est difficile à évaluer puisque les puits conventionnels pourrait aussi utiliser une variété de chimiques dans leurs boues de forage et dans les fracturations, alors prétendre que le shale produit des émissions supplémentaires de cette façon est problématique. Les données du LCA sur ces chimiques sont très spécialisées et ne sont pas habituellement publiées et disponibles.
b: il pourrait aussi y avoir des émissions supplémentaires (aérées ou fuites) du site de forage et des déchets (la gangue). Toutefois, il n'y a pas de données fiables pour nous permettre de les quantifier. De plus, il y a probablement des émissions aérées ou fuites générées par l'exploitation du gaz naturel conventionnel, toujours difficiles à quantifier. Il est à noter qu'il existe des solutions techniques pour réduire les émissions fugitives et réduire les aérations (venting) qui sont disponibles pour les sites de forage conventionnels et non conventionnels.
La suite de la traduction libre du rapport Tyndall portera sur des comparaisons sur l'énergie produite par le gaz conventionnel versus le gaz de schiste, les émissions générées par l'exploitation des gaz de schiste versus les émissions directes produites par la combustion du charbon, et finalement les impacts sur la santé humaine et l'environnement.
Friday, February 4, 2011
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