Photo: Gaz Métro
"Exploiter intelligemment nos ressources
Lors de son allocution du 12 mars, devant des représentants de la chambre de commerce du Montréal métropolitain, Mme Sophie Brochu, PDG de Gaz Métro, alléguait notamment que le Québec courait à son «appauvrissement» et risquait «l'effritement de son modèle social» s'il persistait dans son refus d'exploiter les gaz de schiste. Selon elle, et elle a sans doute raison, il faudrait exploiter intelligemment nos ressources... Mais voilà, dans le cas des gaz de schiste, est-ce possible?
Des études récentes fort documentées tant de l'Institut de recherche en économie contemporaine (IREC) que de l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS) concluent que monsieur et madame Tout-le-Monde n'y trouveront pas du tout leur compte sur le plan économique, dans le cadre fiscal actuel.
Au contraire, en faisant le bilan des gains (impôts des compagnies et des particuliers, redevances, etc.) et des dépenses (crédits d'impôt, restauration des routes, traitement de l'eau contaminée, etc.), il en coûterait plus de 50 M$ par année, et plus de 1000 M$ sur vingt ans, à l'État québécois pour soutenir l'implantation et le développement des compagnies dans le secteur des gaz de schiste!
Concrètement, ça ferait donc encore moins d'argent pour soutenir les réseaux de la santé, de l'éducation, des transports... Par ailleurs, quoi qu'en pense Mme Brochu, dans un marché continental de l'énergie de plus en plus intégré, on ne voit pas très bien pourquoi la conversion de la consommation du charbon aux États-Unis devrait se produire nécessairement au profit du gaz naturel, en outre au profit spécifiquement d'un gaz de schiste québécois.
Sur le plan environnemental, que ce soit comme à Gaspé tout récemment ou que ce soit dans la lutte québécoise aux émissions de gaz à effet de serre (GES), l'exploitation des gaz de schiste ne paraît guère plus «intelligente». S'il est essentiel de réduire significativement les émissions de CO2, encore faut-il savoir que le méthane a un potentiel de réchauffement plus marqué que le CO2 comme agent causal de l'effet de serre.
Or, pendant la phase d'extraction du gaz de schiste, spécialement lors de la fracturation, une part importante de méthane s'échappe des puits. Dans sa publication «Études économiques» de juillet 2012 consacrée à la Pologne, l'OCDE rappelait d'ailleurs que «les émissions de GES des gaz de schiste sur l'ensemble de leur cycle de vie seraient [...] au moins 30 % supérieures à celle du gaz conventionnel ou du pétrole, et 20 % plus élevées que pour le charbon.»
À cela il faut ajouter les fuites plus ou moins incontrôlables dans les environs des puits et leur lente migration vers les nappes phréatiques. Aussi, tant dans une perspective économique que de développement durable, dans la même étude, l'OCDE conclut de manière non équivoque: «Les risques à court et à long terme pour l'environnement (surconsommation d'eau [pour la fracturation du sous-sol] et pollution des eaux souterraines, notamment) doivent être surveillés en permanence, et si les atteintes potentielles sont importantes et irréversibles, il faut interdire les technologies d'extraction.»
N'est-il pas sage de faire preuve de prudence dans le dossier des gaz de schiste? Qu'est-ce que le Québec aurait à gagner en se précipitant tête baissée?
Dans le contexte actuel d'un quasi moratoire, dans l'attente d'une loi sur les hydrocarbures et d'une autre loi pour protéger l'eau, les compagnies du secteur gazier comme Talisman, Gastem, Junex ou Gaz Métro, inscrites en Bourse et soumises aux aléas de la spéculation financière, manifestent publiquement leur nervosité.
Car les profits qu'elles font ou ne font pas sont reconnus ou sanctionnés dans une temporalité du très court terme. Cette temporalité ne peut pourtant pas être celle d'un État responsable ou de ses citoyens faisant corps collectif, dont le souci bien réel pour l'économie, pour les institutions et pour la santé publique prend son sens dans une nécessaire durée, dans le moyen et le long terme.
Ainsi, à l'instar de Mme Brochu de Gaz Métro, il y a lieu d'être inquiet... mais pour de toutes autres raisons.
Hugues Bonenfant
Comité de Vigilance Saint-Valérien-de-Milton"
Lien: http://www.lapresse.ca/la-voix-de-lest/opinions/courrier-des-lecteurs/201303/17/01-4631902-exploiter-intelligemment-nos-ressources.php
Intelligent exploitation of our resources
During her March 12 speech in front of the representatives of the Chamber of Commerce of Metropolitan Montreal, Mrs Sophie Brochu, CEO of Gaz Métro (monopolistic supplier of natgas in Quebec), claimed, among other things, that Quebec would get poorer and risked a social collapse if it persisted in refusing to exploit shale gas. She said that the resources should be exploited intelligently, and she is probably right. But in the case of shale gas, is it possible?
Recent well documented reports, like the IRÉC one (contemporary economic research institute), and the one from IRIS (research and social-economic information institute) both came to the conclusion that the average Joe on the street would not gain economically in the actual fiscal situation.
On the contrary, by adding up the benefits (company and individual income taxes, royalties, etc...) and expenses (tax credits, road repairs, wastewater treatment, etc...), the costs would add up to more than 50 M$ per year, and more than 1,000 M$ over 20 years for the Quebec state in order to support the implantation and the development of the companies involved with shale gas!
Concretely, there would then be less money available to support health care, education system, public transportation...Plus, regardless of what Mrs Brochu may think, in a continental energy market integrated as it is, we don't very well see why the conversion of coal burning in the U.S. would necessarily be to the advantage of natural gas, even less specifically Quebec's shale gas.
Environmentally speaking, be it in Gaspé just recently or the Quebec struggle to bring down its greenhouse gases emissions, the exploitation of shale gas doesn't seem an intelligent choice. If it is essential to reduce significantly our CO2 emissions, one has to know that methane is a much more powerful gas to affect climate change than CO2.
Plus, during the extraction phase of shale gas, especially during the fracking process, a significant amount of methane leaks. It the Organization for Economic Co-operation and Development (OECD) publication "Economic Studies" of July 2012 dedicated to Poland, the OECD mentioned that the overall emissions of greenhouse gases over it's entire life cycle would be at least 30% more than conventional natural gas or oi, and 20% more than coal.
To that, one must also recall that more or less controlled leaks around wells and their slow migration towards water tables. Also, as much for economic than sustainable development reasons, in the same report, the OECD comes to the conclusion in a non-equivocal way: the short and long term risks for the environment (over consumption of water to frack rock, and pollution of groundwater, notably) must be kept under close surveillance permanently, and if potential effects are important and irreversible, the extraction technologies must be banned.
Would it not be wise to stay cautious when it comes to shale gas? What would Quebec gain by forging ahead?
In this present context of an almost moratorium, waiting for laws to oversee hydrocarbons and another one to protect water, the gas companies like Talisman, Gastem, Junex or Gaz Métro, all on the Stock Exchange and bearing the brunt of financial speculators, it's normal that they express publicly their uneasiness.
Because profits they make or not are recognized or sanctioned on a very short term basis. But this temporality cannot be that of a responsible State or it's citizens forming a collective whose very real care of the economy, for the institutions and for public health takes all it's meaning on a necessarily medium and long term basis.
So, like Mrs Brochu of Gaz Métro says, there is good reason to be worried...but for very different reasons.
Signed: Hugues Bonenfant, Comité de Vigilance Saint-Valérien-de-Milton
Tuesday, March 19, 2013
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Merci pour cette réplique!
ReplyDeleteJe suis allé consulter la source de l'OCDE que vous citez. Il serait tout de même honnête de dire que le rapport, dans la ligne qui suit, remet en question ces chiffres et cite une autre étude qui dit exactement le contraire. En fait, tout dépend des fuites de méthane liées à l'extraction du gaz de schiste. Présentement, il semble y avoir une absence de consensus quant à la sévérité de ces fuites. Cet article résume bien le débat: http://www.carbonbrief.org/why-measuring-fugitive-methane-emissions-from-shale-gas-production-matters/
ReplyDeleteNotez bien que cette critique n'est pas une façon de discréditer votre texte ou de soutenir l'industrie gazière, bien au contraire. Par contre, je crois qu'en tant que militants, si nous ne voulons pas prêter le flanc à des attaques faciles, nous devons nous assurer de présenter des données qui soient inattaquables.